« Bien, les débats sont terminés. » Il est 10 h 50, lundi 27 juin, le président, Jean-Louis Périès, suspend l’audience, neuf mois, deux semaines et cinq jours après avoir dit, le 8 septembre 2021 : « Bien, les débats sont ouverts. » Les magistrats de la cour d’assises de Paris spécialement composée se sont retirés dans un lieu hors du palais de justice, où ils vont rester enfermés trois jours pour délibérer et rédiger leur verdict. La prochaine fois qu’ils entreront dans la salle d’audience et prendront place sur leur estrade, au pied du grand mur de bois clair, orné de la balance de la justice, ce sera, mercredi 29 juin en fin de journée, pour annoncer leur sort aux quatorze accusés.
Lundi, comme le veut la procédure, ceux-ci avaient la parole en dernier. « Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter pour votre défense ? », a demandé Jean-Louis Périès à chacun d’eux. Hormis Osama Krayem, fidèle à son vœu de silence, tous se sont pliés, quelques secondes ou quelques minutes, à cet exercice convenu et inconfortable.
Ils ont utilisé leurs derniers mots pour remercier leurs avocats pour leur travail et la cour pour son écoute, présenter toutes leurs excuses ou tout leur soutien aux parties civiles et saluer leur courage et la force de leurs témoignages, condamner une dernière fois les attentats, clamer une dernière fois leur innocence, regretter une dernière fois leurs erreurs, dire une dernière fois leur confiance en la justice.
« T’as détruit ma vie »
Hamza Attou, Abdellah Chouaa et Ali Oulkadi, trois « petites mains » du dossier qui comparaissent libres et risquent la réincarcération, ont remercié les rescapés et les proches de victimes venus nombreux, tous les jours, les saluer et les soutenir avant ou après l’audience. Le deuxième, étouffé par l’émotion, s’est par ailleurs tourné vers Mohamed Abrini, qu’il avait accompagné à l’aéroport lors de son départ pour la Syrie, en 2015 – sans connaître sa destination finale, assure-t-il – et qu’il était venu chercher à son retour, deux trajets pour lesquels il risque gros – le Parquet national antiterroriste a requis six ans de prison. « Franchement, je t’en veux, Mohamed, je t’en veux, frère, a-t-il asséné. T’as détruit ma vie ! »
L’intéressé a dit ses « regrets » de lui avoir fait faire « des mois de prison alors qu’il est innocent », avant de se livrer à un exercice de contrition jusqu’alors inédit pour lui : « J’ai conscience que ce qui est arrivé est immonde. J’éprouve beaucoup de remords, parce que je me dis que, quelque part, j’aurais pu arrêter tout ça. Tout ça n’aurait jamais dû arriver. Ce qui s’est passé ces dix dernières années, c’est incroyable, mais c’est la réalité. Tout ce que j’espère, c’est qu’à l’extinction des feux, les victimes puissent tourner la page. J’espère sincèrement, du fond de mon cœur, qu’elles sauront se reconstruire. »
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