Dans la plaine des Bouchers, quartier de la Meinau, à Strasbourg, deux grues s’activent au-dessus de la future grande coupole. La construction de la mosquée Eyyûb Sultan a repris. D’un coût global de 32 millions d’euros, le bâtiment de style ottoman est imposant. Il comprendra un centre culturel et éducatif, un restaurant, une galerie marchande. « La grande mosquée Eyyûb Sultan est par sa symbolique comparable à la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, l’une des plus grandes d’Europe », claironne le site de la Confédération islamique Milli Görüs (CIMG) France, une organisation d’origine turque à laquelle se rattache le porteur du projet, la CIMG Est.
Les coupoles latérales sont achevées, la base des deux minarets aussi. En revanche, dans la capitale alsacienne, la controverse qui a éclaté le 22 mars autour d’un projet de subvention municipale pour l’édifice – en Alsace et en Moselle, les collectivités locales peuvent financer les cultes – est loin d’être close. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, lui a donné un retentissement national en dénonçant un soutien à « un islam politique » et à « une ingérence étrangère » de la part de la maire écologiste, Jeanne Barseghian.
Après le tollé qui a suivi le vote par le conseil municipal d’une enveloppe de 2,5 millions d’euros, le CIMG Est a retiré sa demande financière. Mais la situation juridique est floue. La délibération demeure et pourrait théoriquement resservir si l’association renouvelait sa requête. A moins qu’elle ne soit annulée par le tribunal administratif, saisi par la préfète du Bas-Rhin. En outre, l’atmosphère est pesante. Ayant fait l’objet de menaces, la maire a demandé une protection.
Permis de construire accordé en 2014
Dans son bureau, Jeanne Barseghian revient sur le procès qui lui est fait d’avoir accepté de financer sans condition, pour une somme importante, un projet largement engagé sur lequel la municipalité n’aurait pas eu son mot à dire, conduit par une association – le Milli Görüs – qui allierait inféodation à la Turquie et refus d’allégeance aux principes républicains. « Ce projet est une histoire dont j’hérite sans y avoir participé directement », rappelle l’écologiste. De fait, le permis de construire a été accordé en 2014 sous le mandat du socialiste Roland Ries. A la pose de la première pierre, le 15 octobre 2017, le gotha strasbourgeois se pressait autour du vice-premier ministre turc, Bekir Bozdag, du maire au préfet en passant par de nombreux élus, dont certains décrient aujourd’hui la subvention.
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