A toute chose malheur est bon, pourraient rappeler les archéologues qui, après l’incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019, ont eu l’occasion inespérée de travailler dans la cathédrale. Cela a notamment été le cas au printemps 2022 à la croisée du transept, entre la nef et le chœur, où, en vue de la reconstruction de la voûte et de la flèche, devait être installé un imposant échafaudage de 700 tonnes. Comme la pose de ce lourd Meccano obligeait à décaisser le sol sur plusieurs dizaines de centimètres, à un endroit où l’on soupçonnait la présence de vestiges, les spécialistes de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) sont intervenus. On connaît la suite : deux cercueils anthropomorphes en plomb ont été mis au jour. Qui se trouvait dedans ? Une première réponse a été apportée par l’équipe scientifique vendredi 9 décembre à Toulouse.
Pourquoi aller en Haute-Garonne pour résoudre un « cold case » parisien vieux de plusieurs siècles ? Pour profiter du savoir-faire de l’Institut médico-légal du CHU de Toulouse, où avait été menée l’analyse de l’exceptionnelle momie de Louise de Quengo, découverte lors de la fouille du couvent des Jacobins, à Rennes, en 2013. C’est aussi à Toulouse qu’œuvre Eric Crubézy, professeur à l’université Paul-Sabatier, un des pionniers de l’archéoanthropologie en France, qui a fouillé des sépultures et des nécropoles aux quatre coins du monde, de l’Egypte à la Sibérie.
Les problématiques sont différentes pour les deux occupants des cercueils car l’un est connu et l’autre pas. L’un est à la place où on l’a inhumé, l’autre a été déplacé. L’un était un vieillard, l’autre un homme encore jeune au moment de son décès. Gardons le mystère pour la fin et commençons par le défunt identifié. « Son cercueil se trouvait dans l’axe parfait de la nef et du portail central, explique l’archéologue de l’Inrap Christophe Besnier, responsable des fouilles de Notre-Dame. On a su son identité dès le début grâce à trois éléments. Sous la dalle funéraire, il y avait une grande plaque de plomb avec une épitaphe en latin disant qu’il s’agissait d’Antoine de la Porte. »
La deuxième indication est une petite plaque fixée sur le cercueil. Elle dit : « Cy est le corps de Messire Antoine de la Porte chanoine de l’église [un mot effacé] décédé le 24 décembre 1710 en sa 83e année. Requiescat in pace. » Le troisième et dernier indice prend la forme de trois médailles en bronze à l’effigie du mort posées sur le « sarcophage ». Antoine de la Porte fut « chanoine pendant plus de cinquante ans, ce qui lui a valu le surnom de “chanoine jubilé”, rappelle Christophe Besnier. C’était un riche mécène et il a fait une donation de 10 000 livres pour la réfection de la clôture du chœur de Notre-Dame de Paris. »
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