Tenter de calmer les esprits, sans céder sur l’essentiel. Alors que la réforme des retraites poursuit son chemin pour un mois au Conseil constitutionnel, l’Elysée écarte toujours le scénario préconisé par Laurent Berger, consistant à mettre ce texte très impopulaire « sur pause » pendant six mois. Le président de la République et le leader de la CFDT n’ont jamais trouvé de langage commun autour du recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, qui a précipité le pays dans la crise. Mais, depuis le regain de violences, à la veille d’une dixième journée de mobilisation nationale, mardi 28 mars, le camp macroniste tente de renouer le dialogue. « Soit on se regarde en chiens de faïence, soit on utilise ce temps de pause pour discuter », appuie un conseiller élyséen.
Alexis Kohler, bras droit d’Emmanuel Macron, a appelé Laurent Berger en fin de semaine dernière, tout comme plusieurs ministres et députés. Sans résultat tangible. Vendredi, Emmanuel Macron a certes invité les syndicats à venir discuter des carrières et de l’usure professionnelle – « des sujets qui ne sont pas déliés des retraites », traduit un conseiller du palais. Petite inflexion du ton présidentiel. « Un jour, il me met une gifle, l’autre jour une caresse », dit en riant jaune auprès du Monde Laurent Berger, qui attend toujours « un acte sur les retraites ». « On entre dans une violence inacceptable pour tous les démocrates. On nous a vendu du pragmatisme, c’est le moment de se parler. Il faut remettre l’ouvrage sur le métier », estime le syndicaliste qui juge, dans la revue Le Grand Continent, « absurde de risquer de faire sombrer la France dans le chaos pour si peu ».
Le climat de violences accroît, d’heure en heure, la pression sur un président qui ne cède pas. Des affrontements entre militants écologistes et forces de l’ordre autour des bassines de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), samedi, ont fait des dizaines de blessés parmi les gendarmes et les manifestants. Un militant se trouvait dimanche entre la vie et la mort. « Rien n’indique encore que ce soit le fait des gendarmes », démine-t-on place Beauvau, où l’on redoute un drame semblable à la mort de Rémi Fraisse, manifestant écologiste de 21 ans tué par un gendarme qui avait jeté une grenade offensive, au barrage de Sivens (Tarn), en 2014.
Des faits de violence policière se multiplient et acculent le gouvernement. L’enregistrement d’une interpellation effectuée à Paris par la brigade de répression de l’action violente motocycliste (BRAV-M), dévoilé par Le Monde et Loopsider, révèle des policiers qui injurient et menacent d’envoyer « à l’hôpital » de jeunes manifestants contre la réforme des retraites, giflant l’un d’eux. « Il y aura des sanctions », a réagi le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, tout en réaffirmant son « soutien total » aux policiers et gendarmes « attaqués par l’extrême gauche ». Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a saisi l’inspection générale de la police nationale, qui a lancé dix-sept enquêtes judiciaires depuis la première journée de mobilisation contre cette réforme, le 19 janvier.
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