Bivouac à Matignon. Les fenêtres du premier étage doivent être changées, Elisabeth Borne a déménagé au rez-de-chaussée. Austère, son bureau a été reconstitué à l’identique dans le salon bleu, qui ouvre sur le parc. Contrairement à Edouard Philippe, qui commentait volontiers ses objets fétiches – un sabre d’artillerie ou une ancre de marine –, la deuxième femme de la Ve République à entrer à Matignon n’affiche rien de personnel. Une seule photo d’elle, en compagnie d’un chef coutumier d’Amazonie. Un banal poster de la Route du rhum. Une maquette de rame de métro, souvenir de son passage à la direction de la RATP. Quelques plantes vertes. Derrière son bureau, le dessin du fils d’un conseiller. « Un dragon ! », précise-t-elle, surprise que l’on n’ait pas reconnu la créature croquée par l’enfant.
Quand elle reçoit Le Monde, le 1er août, celle qui tient à se faire appeler « Madame la première ministre » – du temps d’Edith Cresson, le nom n’était pas féminisé – s’apprête à partir en vacances, dans le Var, après avoir signé les lettres de cadrage budgétaire qui devaient partir dans les ministères, lundi 8 août. Elle est vêtue d’une stricte robe noire, cheveux courts de la même couleur que ses yeux, argent. Elle est épuisée. La session parlementaire a été rude, mouvementée. Mais s’est achevée avec le vote du projet de loi de finances rectificative et du texte sur le pouvoir d’achat. Une victoire à l’arraché pour le gouvernement, qui a perdu sa majorité en juin et doit désormais composer avec des oppositions agitées. « On pouvait craindre de ne pas réussir à trouver des majorités, dit-elle. Je me suis beaucoup mobilisée pour regarder comment on pourrait trouver un chemin. Les Français souhaitaient que l’on montre qu’on pouvait travailler ensemble, construire des compromis. »
Depuis sa nomination, le 16 mai, Elisabeth Borne a reçu les présidents de groupe à la chaîne, tirant sur sa vapoteuse et posant la même question, cash : « Que comptez-vous faire ? » Olivier Marleix, qui préside le groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale, goûte ces égards « nouveaux » tout en appréciant que la polytechnicienne ne fasse « pas semblant ». « C’est une ingénieure qui, face à un problème, tente de trouver des solutions. Un atout dans ces circonstances. Rien de pire que de sentir la fausse amabilité de ceux qui essayent de vous manœuvrer. » Même bienveillance chez son homologue du Sénat, Bruno Retailleau, qui trouvait « son profil déphasé avec le retour en force du politique », mais loue sa « franchise » et sa « connaissance des dossiers ». L’échange a été plus piquant avec le président du groupe Parti socialiste (PS), Boris Vallaud, qui a dirigé un cabinet de gauche en même temps qu’elle, pendant le quinquennat de François Hollande. Borne lui demande si les socialistes sont prêts à une coalition avec le gouvernement. Vallaud répond non. Elle insiste : « Voterez-vous les textes ?
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