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« Alors qu’Emmanuel Macron avait théorisé la mort de la politique, celle-ci se rappelle à lui »

En ne donnant au président de la République qu’une majorité relative, les Français ont voulu le contraindre au compromis, lui qui avait cherché à décrédibiliser tout affrontement idéologique, pourtant au cœur de la vie démocratique, explique Solenn de Royer, journaliste au service politique du « Monde », dans sa chronique.

Publié le 27 juin 2022 à 12h30 Temps de Lecture 4 min. Read in English

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On les avait retrouvés à l’été 2017, pour un portrait croisé. Le bras droit du président, Alexis Kohler, et son stratège, Ismaël Emelien, avaient reçu Le Monde dans le bureau du secrétaire général, au premier étage de l’Elysée. Assis côte à côte, les deux piliers du macronisme avaient ce jour-là expliqué leur vision, leur plan, à l’aube du « nouveau monde » triomphant. C’est Emelien qui avait commencé, racontant combien la « grande marche », lancée un an plus tôt pour sonder les Français, avait permis de mesurer le profond degré de défiance de ces derniers envers les dirigeants politiques, dont ils rejetaient les visages et les pratiques.

« Le sujet, c’est la politique », source de divisions et de blocages, cause du dysfonctionnement du système depuis trente ans, avait expliqué le spin doctor. Il fallait donc rompre avec elle, changer de logiciel : la « start-up nation » serait « dépolitisée », « désidéologisée », concentrée sur la « réforme » au service d’un intérêt général supposé. D’où la nomination de ministres techniques, et l’arrivée à l’Assemblée de nombreux députés issus de la société civile, sans passé ni culture politique.

Alexis Kohler avait abondé. « Pour qu’un bateau avance vite et droit, il faut éviter qu’il y ait plus de barreurs que de rameurs », avait-il expliqué, assumant un dispositif centralisé. Ce nouveau pouvoir, vertical et technocratique, avec des députés tenus bride courte, disait s’inspirer de De Gaulle : arrivé aux affaires en 1958, en pleine crise de régime, le Général, pour qui les politiques avaient failli, coupables d’avoir paralysé la IVe République, gouvernait par ordonnances, entouré de hauts fonctionnaires zélés. Le macronisme serait donc le visage séduisant d’une haute fonction publique volontariste à la recherche de l’efficacité, loin des faux-semblants du jeu politique. « Je n’aime pas la politique, j’aime faire », avait lâché Emmanuel Macron à Philippe Besson dans Un personnage de roman (Julliard, 2017), décrivant les élus comme « des commerçants qui tiennent un bout de rue ».

Mettre le jeu politique et le clivage droite-gauche à distance l’a d’abord servi : en décrédibilisant tout affrontement idéologique, pourtant au cœur de la vie démocratique, il désarmait les oppositions. Mais Macron a poussé trop loin la logique, court-circuitant les corps intermédiaires et les partis, faisant le vide autour de lui. Dans le même temps il ne remplissait pas la promesse initiale, échouant notamment à réconcilier les Français avec leurs dirigeants, tout « experts » qu’ils étaient, et peinant à réformer. Après avoir tancé « l’ancien monde », à qui il reprochait – parfois avec justesse – tous les maux, il a lui-même donné le sentiment de se perdre dans la tactique politicienne, obsédé par son projet d’éradiquer la gauche et la droite pour installer son face-à-face avec les populismes, qui garantissait son maintien au pouvoir.

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