Première rencontre
Tout commence à la rentrée de 2de. Stéphanie et moi sommes dans la même classe, dans un lycée du Val-d’Oise. Nous sommes une bande de copains et copines, mais je n’ai d’yeux que pour elle, avec son sourire incroyable et ses boucles brunes. Un après-midi d’automne, on se retrouve tous chez la mère d’un copain pour regarder un film. Cela fait un moment déjà que l’on est inséparables, mais c’est là, collés l’un à l’autre sur le canapé, que notre histoire commence. Je ne m’en souviens pas précisément, j’ai d’ailleurs oublié de quel film il s’agissait. Mais de cette année-là, je revois tous les matins où l’on s’attend sur le quai du train de banlieue, les cours que l’on passe l’un à côté de l’autre à discuter et à se faire réprimander par le prof, et les journées ensoleillées où l’on s’allonge côte à côte sur la pelouse. Elle est très studieuse, moi je sèche souvent les cours pour garder des places à la cantine et m’assurer de manger à côté d’elle. Elle est profondément gaie et elle parle tout le temps, ça me va bien, ça m’évite de parler. Par contre, je lui écris des lettres. Plusieurs centaines, au stylo plume : je les lui donne chaque jour quand je la vois. Je lui parle d’elle, de la vie, de ma façon de voir le monde et les gens… le genre d’ambition que l’on peut avoir à cet âge-là.
L’été qui suit la 2de, on part en vacances chacun de notre côté. Et là, je reçois une lettre dans laquelle elle met un terme à notre relation, sans explication mais sans ambiguïté. Je suis complètement dévasté. A la rentrée, je ne lui demande rien. Ce n’est pas mon type de personnalité. Ce n’est que le début d’une relation asymétrique, où une grande partie des réponses restent dans le silence. On continue de se voir, on reste copains, mais on n’est plus ensemble. Je suis toujours fou amoureux d’elle, et rien que continuer à la voir me suffit. Je sors avec d’autres filles, le cœur meurtri.
Nous commençons nos études à Paris, droit et sciences politiques pour moi, pharmacie pour elle. On continue à se voir, il y a toujours une vraie complicité entre nous. Régulièrement, je la rejoins et je suis les cours de pharmacie assis à côté d’elle. J’aurais tout donné pour ces moments-là. Je croise d’autres filles, j’ai des opportunités, mais je suis incapable de passer à autre chose. Je ne lui parle jamais de mes sentiments ; je sais qu’elle les connaît, alors je ne veux pas lui poser de questions, j’essaie simplement de fonctionner avec la situation.
Puis, un jour, je comprends qu’elle a quelqu’un dans sa vie. Un commercial prétentieux. Je le vis très mal. Pourtant, je sors moi aussi avec une fille, avec qui cela devient sérieux. Nous avons 21 ans, et Stéphanie m’annonce qu’elle se marie. Je suis présent au mariage, avec ma compagne, et c’est un souvenir horrible. A l’église, quand le curé prononce la fameuse phrase, « si quelqu’un veut s’opposer à cette union », j’ai une envie de hurler incommensurable. Je suis malade d’être là, à cette soirée, un des pires moments de ma vie.
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