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Vaccins contre le Covid-19 : les laboratoires sont-ils « exemptés de leur responsabilité financière » en cas d’effets indésirables ?

Plusieurs publications en ligne affirment que les fabricants de vaccins contre le Covid-19 n’auraient aucun compte à rendre en cas d’effets secondaires. C’est inexact.

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Publié le 25 janvier 2021 à 15h44, modifié le 26 janvier 2021 à 11h47

Temps de Lecture 4 min.

Alors que la campagne de vaccination s’accélère en France, après plusieurs semaines de tâtonnement, la question de la responsabilité des laboratoires en cas d’effets secondaires liés aux vaccins contre le Covid-19 revient souvent dans les débats. La présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, dénonçait, dès novembre, « une clause qui indique que, s’il y a des effets néfastes ou nocifs, l’Union européenne s’engage à ne pas aller devant la justice contre le fabricant du vaccin ».

Cette accusation est reprise sur les réseaux sociaux par des publications soutenant que les fabricants seraient dédouanés de toute responsabilité en cas d’effets indésirables de leurs produits. Le site Réinfo Covid, qui regroupe un collectif de soignants et scientifiques populaires chez les « covidosceptiques », a avancé cet argument début janvier dans une note sur le vaccin Pfizer-BioNTech. Selon ce collectif, les laboratoires « ont été exemptés de leur responsabilité financière en cas d’effet indésirable par l’Union européenne ».

Si des laboratoires ont tenté – avec succès aux Etats-Unis – d’éviter d’éventuelles poursuites, ils ne seront pas nécessairement exonérés de toute responsabilité juridique ou financière en France.

  • Des garanties financières, mais une responsabilité qui « incombe toujours à l’entreprise »

Ce n’est pas la France directement, mais l’Union européenne qui négocie les contrats d’approvisionnement avec les fabricants de vaccins pour l’ensemble des Etats membres. A ce jour, l’UE a conclu six contrats avec les laboratoires AstraZeneca-Oxford, Pfizer-BioNtech, Moderna, Sanofi-GSK, Johnson & Johnson et CureVac. Seuls deux vaccins, ceux de Pfizer et Moderna, ont obtenu un feu vert des autorités sanitaires pour être prescrits en Europe.

Les négociations avec les laboratoires ne sont pas rendues publiques. Impossible de connaître les détails des accords conclus. La Commission européenne a toutefois fourni quelques éléments concernant la responsabilité et l’indemnisation. Elle rappelle que les contrats sont conclus conformément aux règles de l’UE, qui « exigent que cette responsabilité incombe toujours à l’entreprise » : si un produit est défectueux, c’est bien le laboratoire qui est responsable.

Des garanties financières ont toutefois été accordées aux fabricants, du fait de la production inédite des vaccins, du peu de recul sur d’éventuels effets secondaires (le développement d’un vaccin se déroule habituellement sur une dizaine d’années), et des risques encourus par les laboratoires :

« Les CAA [contrats d’achat anticipé] prévoient que les Etats membres indemnisent le fabricant pour les éventuelles responsabilités encourues uniquement dans les conditions spécifiques définies dans les CAA. »

En clair, en cas de poursuites judiciaires à l’encontre des laboratoires, l’UE peut contribuer à l’indemnisation selon les conditions fixées contractuellement. En novembre, la ministre déléguée chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, précisait :

« Les seuls cas dans lesquels l’UE pourrait éventuellement partager la charge, (…) ce serait la survenue d’un épisode qui serait nuisible et pas connu, ni par nous, ni par le laboratoire pharmaceutique, (…) et pour lequel le laboratoire pourrait démontrer qu’à chaque instant il a fait preuve de transparence. »

Dans le cas contraire, selon la ministre, toute négligence prouvée d’un laboratoire pharmaceutique « serait évidemment devant les tribunaux avec une indemnisation à la charge du laboratoire pharmaceutique ».

  • Une législation européenne guidée par une directive de 1985

Que dit précisément le droit européen invoqué ? L’UE s’appuie sur une directive de 1985 « relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ». Transposée dans le droit français en 1998, cette responsabilité est régie depuis 2016 par les articles 1245 à 1245-17 du code civil.

Selon cette directive, les laboratoires sont responsables en cas de défauts ou négligences liés à leur produit, à moins qu’ils ne prouvent « que l’état des connaissances scientifiques et techniques (…) n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ». Le texte précise aussi que les fabricants de vaccins ne peuvent imposer une clause écartant toute responsabilité. C’est « contraire à la loi », a rappelé Mme Pannier-Runacher.

Cette directive était au cœur d’une décision de justice majeure en 2017, opposant un malade atteint de sclérose en plaques aux laboratoires Sanofi Pasteur et GlaxoSmithKline (GSK). La Cour de justice de l’Union européenne avait rendu les laboratoires responsables de la maladie contractée par ce malade vacciné contre l’hépatite B. La Cour avait estimé qu’en l’absence d’un consensus scientifique « le défaut d’un vaccin et le lien de causalité entre celui-ci et une maladie peuvent être prouvés par un faisceau d’indices graves, précis et concordants ».

  • Un fonds d’indemnisation en France, le cas échéant

En cas de dommage lié à un vaccin, et lorsque « la responsabilité n’est pas imputable aux laboratoires », le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, contacté par Le Monde, rappelle qu’il existe un organisme public sous la tutelle du ministère de la santé qui permet d’indemniser les victimes : l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

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Un individu victime d’un accident lié à l’administration d’un vaccin peut saisir l’Oniam en envoyant une demande d’indemnisation. « Il s’agit d’une procédure amiable, rapide et gratuite permettant aux victimes d’une vaccination obligatoire d’obtenir réparation sans passer par une procédure en justice », détaille l’organisme sur son site.

Ce fonds d’indemnisation n’est accessible que pour les vaccins obligatoires. Toutefois, des mesures d’urgence peuvent être prises en cas d’épidémie. Un dispositif exceptionnel avait été ainsi mis en place dans le cadre de la grippe A (H1N1) en 2009 et 2010, permettant aux victimes de la vaccination d’obtenir réparation. Auprès du Monde, le ministère de la santé a confirmé qu’il en serait également ainsi pour les éventuels accidents médicaux liés à la campagne de vaccination contre le Covid-19, qui a débuté fin décembre en France. Un lien de causalité « entre l’administration du vaccin et le dommage doit tout de même être établi ». Cette prise en charge « n’exonère toutefois pas les professionnels de santé de toute responsabilité », précise le ministère.

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