Vingt-neuf morts, plus qu’un par jour en ce mois de janvier. Au total, 194 Palestiniens ont été tués par l’armée ou par des colons israéliens depuis un an en Cisjordanie occupée, selon le ministère de la santé palestinien. Cette violence a atteint un niveau inégalé depuis la fin de la seconde Intifada (2000-2005).
« Briser la vague », c’est le nom de l’opération lancée au printemps 2022 par l’armée, après plusieurs attaques menées contre des civils en Israël. Elle visait dans un premier temps à casser une nouvelle résistance armée palestinienne. Des combattants regroupés en deux mouvements, les Brigades, à Jénine et les Lions, à Naplouse, inspirent ailleurs des loups plus solitaires. Ils sont jeunes, transpartisans, bien armés ; ils vont à l’affrontement, attaquent des soldats et des colons en Cisjordanie, des civils en Israël. Trente Israéliens ont ainsi été tués. Dans leur ombre, un mouvement monte : le Jihad islamique, groupe islamiste qui se veut rassembleur et n’aspire pas au pouvoir.
Au fil des mois, l’opération de l’armée se mue en une répression massive, qui touche le moindre hameau. Ses effets sont aggravés par les violences perpétrées par les colons, enhardis par le retour au pouvoir de Benyamin Nétanyahou en décembre 2022, à la tête du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël. La Cisjordanie vit tétanisée par un déferlement quotidien de drames et d’incidents divers, qui ne peuvent se raconter un à un. Ils disparaissent dans la masse. Au fil d’une semaine cependant, une série d’épisodes, parmi les plus saillants, résument cet état de guerre ordinaire.
Mardi 17 janvier : un loup solitaire sur la route 60
Mardi 17 janvier au matin, Hamdi Abou Dayyeh a traversé à pied l’étroite vallée où s’effiloche sa ville, Halhul, au nord d’Hébron. Il a longé vignes et potagers jusqu’à un poste militaire israélien qui domine la route 60, la principale artère de Cisjordanie. Là, il a brandi un « Carlo », une arme artisanale grossière de métal noir à courte crosse. Il a tiré sur des soldats sans parvenir à les blesser. Les militaires l’ont abattu, puis ont emporté son corps. Sa famille ignore quand il leur sera rendu.
Hamdi Abou Dayyeh était en cavale depuis le dimanche. Capitaine de police âgé de 40 ans, gratte-papier de l’administration d’un commissariat de Bethléem, il avait tiré sur un bus de colons israéliens, sur la route 60, sans faire de victimes. Il avait incendié sa voiture et s’était caché près d’Halhul.
Le chef de la police palestinienne en Cisjordanie, Youssef Al-Hilou, gêné que l’un de ses officiers ait ainsi pris les armes, a attendu lundi 23 janvier pour rendre visite à la famille en deuil. La force continuera de verser son salaire, l’équivalent de 1 000 euros par mois, à son épouse, Nadwa, atteinte d’un cancer du sein, et à leurs trois enfants.
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