Une dizaine de tirs de missiles, une quinzaine de frégates, une soixantaine de chasseurs chinois, des drones, et des attaques informatiques pour déstabiliser l’ennemi : pour la Chine, les trois jours d’exercices effectués du 4 au 7 août dans le détroit de Taïwan sont un succès. Si l’essentiel des activités a pris fin dimanche, des manœuvres simulant « des opérations anti-sous-marins et des assauts en mer » se poursuivaient, lundi 8 août au matin, a indiqué l’état-major de l’Armée populaire de libération.
A en croire la presse chinoise, ces exercices permettent à Pékin de démontrer sa capacité à frapper Taïwan n’importe où et d’affirmer sa souveraineté sur l’ensemble du détroit, au-delà de la « ligne médiane » séparant la zone en deux. D’après le ministère de la défense taïwanais, vingt-deux appareils chinois ont effectué de courtes incursions du côté taïwanais de la ligne médiane ces derniers jours. Mais, pour les experts, ces manœuvres n’ont pas radicalement changé la situation.
La Chine tenait à marquer le coup pour empêcher que la venue sur l’île de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, ne normalise les visites de haut niveau, alors que de plus en plus d’Etats démocratiques affichent leur soutien à Taïwan. Elle a déployé une large palette de sanctions qui dessine un scénario de guerre hybride face à Taïwan : Pékin a interdit les importations de produits alimentaires taïwanais (poisson, fruits, biscuits…) et multiplié les cyberattaques, réussissant à bloquer les sites Web de nombreuses institutions, et à prendre le contrôle d’écrans publicitaires de la célèbre chaîne d’épiceries 7-Eleven pour diffuser des messages hostiles à Mme Pelosi.
« Ligne taïwanaise crédible »
Les exercices militaires visaient également à impressionner la population : la presse chinoise parlait d’ailleurs de simuler une « fermeture de l’île », autrement dit un blocus. L’état-major chinois avait annoncé six zones tout autour de l’île, dont certaines empiétaient sur les eaux territoriales taïwanaises (zone de 20 kilomètres autour des côtes). Pendant trois jours, plusieurs compagnies aériennes ont annulé des dizaines de vols par précaution et le trafic maritime a dû s’adapter, mais l’île n’a pas été isolée. Et pour cause, un blocus coûterait cher à Pékin : 90 % du trafic passant par le détroit de Taïwan vient de Chine.
Surtout, aucun navire chinois ne s’est aventuré à proximité des eaux territoriales taïwanaises : la majorité des zones étaient en fait des cibles de tir pour des missiles. « Heureusement pour Taïwan, les franchissements n’ont porté que sur la ligne médiane, pas sur la ligne des 12 miles nautiques (20 kilomètres). C’est là que l’on pouvait craindre un incident grave. Ils ne sont pas allés si loin parce que la ligne de défense taïwanaise est crédible », estime Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie à l’Institut Montaigne.
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