Comment brouiller le message d’un sommet du G7 censé prendre des décisions cruciales pour stopper la pandémie de Covid-19 et lutter contre le changement climatique ? En continuant, comme l’ont fait Boris Johnson et les dirigeants européens, un affrontement aussi affligeant qu’interminable sur l’Irlande du Nord. La « guerre de la saucisse », comme l’a qualifiée la presse britannique, a en partie occulté, dimanche 13 juin, dernier jour du sommet présidé par le premier ministre britannique à Carbis Bay, en Cornouailles, les annonces sur les dons de vaccins et le déblocage de fonds pour protéger les océans.
Le président des Etats-Unis, Joe Biden, avait pourtant pris le soin de ne pas envenimer les relations, déjà très tendues, entre Londres et Bruxelles, concernant le protocole nord-irlandais, partie du traité du Brexit que le gouvernement Johnson a accepté d’endosser fin 2019, mais dont il conteste désormais l’application.
« Nous n’hésiterons pas à invoquer l’article 16 »
M. Biden avait fait part de sa « profonde préoccupation » en amont du sommet, au sujet du processus de paix en Irlande du Nord, fragilisé par le Brexit, mais il avait jugé « très productive » sa rencontre bilatérale avec M. Johnson, jeudi 10 juin.
La discussion a pourtant dérapé, dès samedi 12 juin. Etonnamment, c’est M. Johnson qui a remis une pièce dans la machine. Dans une interview accordée à la chaîne Sky News, le premier ministre a prévenu, sur un ton martial : « Si l’UE continue à nous opposer toutes sortes d’obstacles plutôt que d’appliquer le protocole de manière raisonnable », alors « nous n’hésiterons pas à invoquer l’article 16 [du protocole nord-irlandais]. »
Cet article 16 permet à une des parties signataires de suspendre unilatéralement le protocole en cas de grave divergence. Cette option, considérée comme radicale, ne manquera pas – Bruxelles l’a fait clairement savoir – d’entraîner des rétorsions, y compris sous forme de droits de douane, de la part de l’UE.
Ne pas bloquer l’envoi des saucisses anglaises en Irlande du Nord
Le protocole nord-irlandais est censé régir le statut spécifique de la province après la sortie de l’UE : elle fait bien partie du Royaume-Uni, mais reste dans le marché intérieur européen pour les biens. Le protocole vise à éviter l’instauration d’une frontière physique sur l’île d’Irlande, en instaurant des contrôles douaniers pour les biens transitant de Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord. Cette nouvelle frontière en mer a créé un profond malaise dans la communauté loyaliste nord-irlandaise, qui considère qu’elle porte atteinte à son identité britannique. Downing Street n’a, jusqu’à présent, rien fait pour calmer sa frustration, réclamant ouvertement une renégociation du protocole.
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