Son arrestation, le 2 juillet, a été un rebondissement dans l’affaire Epstein. Ghislaine Maxwell, ex-collaboratrice du financier Jeffrey Epstein – qui a été retrouvé mort dans sa cellule, le 10 août 2019 –, a comparu, mardi 14 juillet, devant une juge fédérale de New York, aux Etats-Unis. L’audition s’est déroulée par vidéoconférence, en raison de la pandémie de Covid-19. Elle a plaidé non coupable. La juge fédérale Alison Nathan a fixé au 12 juillet 2021 l’ouverture du procès et ordonné le maintien en détention de la quinquagénaire d’ici là.
Recherchée par la police fédérale (FBI), cette figure de la jet-set de 58 ans avait disparu depuis l’interpellation, à l’été 2019, de l’homme d’affaires, mis en cause pour de multiples agressions sexuelles sur mineures. Elle est notamment accusée d’avoir « assisté, facilité et contribué aux abus perpétrés », en recrutant les victimes. Mme Maxwell est actuellement incarcérée dans la prison fédérale de Brooklyn, à New York.
Qu’est-ce que l’affaire Epstein ?
Le milliardaire américain Jeffrey Epstein a été inculpé pour exploitation sexuelle de mineures et pour association de malfaiteurs en vue d’exploiter sexuellement des mineures. Dans un document rendu public le 8 juillet 2019, soit deux jours après son arrestation, le bureau du procureur de Manhattan affirmait qu’il avait abusé sexuellement de dizaines de mineures, dont certaines âgées de 14 ans, entre 2002 et 2005.
Ces agressions, moyennant le versement d’argent en liquide, se sont déroulées dans ses résidences de Manhattan et de Palm Beach, en Floride.
Il aurait, en outre, payé certaines de ses victimes pour qu’elles recrutent, pour lui, d’autres filles dans leur entourage. Au total, son carnet d’adresses comptait plus de 150 noms de femmes, dont des mineures.
L’homme d’affaires avait déjà été poursuivi en 2008 pour incitation à la prostitution de mineures. Trente-six victimes avaient été identifiées. Il avait alors plaidé coupable et ainsi obtenu un accord avec la justice que de nombreux observateurs jugent trop clément : il avait été condamné à dix-huit mois d’emprisonnement dans une aile privée de la prison de Palm Beach et était autorisé à aller travailler six jours sur sept pendant douze heures. Il avait finalement été libéré au bout de treize mois.
Jeffrey Epstein a été retrouvé mort dans sa cellule à New York, le 10 août 2019 ; sa mort a été qualifiée officiellement de suicide.
Le 28 août, à l’invitation d’un juge fédéral, seize victimes présumées du financier avaient pu s’exprimer lors d’une audience inédite, avant la clôture du dossier, rendu caduc par ce décès. La plupart avaient alors appelé les procureurs à traquer ses complices potentiels. « S’il vous plaît, s’il vous plaît, terminez ce que vous avez commencé. Les victimes américaines sont prêtes à dire la vérité. Il n’a pas agi seul », avait ainsi lancé Sarah Ransome.
Quelle relation entretenaient Maxwell et Epstein ?
Ghislaine Maxwell, une Britannique née en France à Maisons-Laffitte (Yvelines), est la fille du magnat déchu de la presse Robert Maxwell. Elle est une figure connue du gotha anglo-saxon, une habituée des soirées mondaines, à Londres, New York et même Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump en Floride.
Elle a rencontré M. Epstein à New York, peu après la mort mystérieuse de son père – il est tombé de son yacht, en 1991, et il s’est avéré après son décès qu’il était couvert de dettes. Elle fut brièvement la petite amie de M. Epstein et resta par la suite sa « meilleure amie », confiait-il au magazine Vanity Fair, en 2003.
Elle s’occupera notamment de la gestion de ses propriétés à travers le monde, mais c’est surtout son rôle de l’ombre qui intéresse les enquêteurs. Car Ghislaine Maxwell est suspectée d’avoir mené une vraie chasse aux mineures pour le milliardaire. Des jeunes femmes, souvent issues de milieux défavorisés, qu’elle aurait attirées et mises en confiance en faisant mine de s’intéresser à leur vie, à leurs études ou à leur famille, en les amenant au cinéma ou en organisant des virées shopping.
De quoi est accusée Ghislaine Maxwell ?
L’acte d’accusation émis par le tribunal fédéral du district sud de New York, qui a mené à son arrestation, comporte six chefs d’accusation : quatre pour trafic de mineur et deux pour avoir menti sous serment. Mme Maxwell « a joué un rôle essentiel » en aidant Jeffrey Epstein à agresser ses victimes, « elle a même participé aux abus dans certains cas », a déclaré la procureure new-yorkaise Audrey Strauss.
« C’est elle qui tendait les pièges, en prétendant être une femme à qui [les victimes] pouvaient faire confiance. »
Les charges contre elles sont graves et remontent à entre 1994 et 1997. Durant cette période, précise l’acte d’accusation, Ghislaine Maxwell « a assisté, facilité et contribué aux abus perpétrés sur des jeunes filles mineures par Jeffrey Epstein, en l’aidant, entre autres, à recruter, préparer et finalement abuser de ses victimes ».
Qui plus est, précise l’acte d’accusation, Mme Maxwell aurait « menti à plusieurs reprises quand elle a été interrogée sur sa conduite et sur ses relations avec certaines des victimes mineures, en 2016, alors qu’elle témoignait sous serment ».
Elle aurait, en outre, contribué à « normaliser » les violences sexuelles en étant présente, lors de « séances de massage » entre M. Epstein et ses victimes – en participant aux massages et même aux violences sexuelles elles-mêmes. Certaines de ces séances se seraient même déroulées dans la résidence londonienne de Mme Maxwell.
Si elle est reconnue coupable des accusations les plus graves, elle encourt la prison à perpétuité.
L’arrestation de Maxwell peut-elle être décisive pour la suite de l’enquête ?
Des centaines de pages de documents judiciaires, rendus publics le 9 août 2019, sont venues confirmer que Jeffrey Epstein a longtemps été un membre éminent de la jet-set, proche de personnalités, y compris des présidents des Etats-Unis Bill Clinton et Donald Trump.
L’une de ses victimes, Virginia Roberts, raconte ainsi avoir « été offerte à des politiciens, à des professeurs d’université, à des gens issus de la royauté ». Dans un tchat avec les lecteurs du Monde, notre correspondant à New York, Arnaud Leparmentier, résumait ainsi :
« La question est de savoir s’il y avait un prédateur sexuel d’adolescentes avec une complice principale et une dizaine d’amis ou un complot généralisé des Etats-Unis, avec protection des puissants, de la justice, de la police et l’implication de deux présidents. »
Car la mort de Jeffrey Epstein a privé les victimes d’un procès où d’éventuelles complicités auraient pu être découvertes.
L’arrestation et la mise en cause de Ghislaine Maxwell pourraient permettre de lever un coin du voile sur cette affaire tentaculaire. D’autant qu’au-delà de ses services de « recruteuse » elle a aussi fait profiter le financier de son épais carnet d’adresses. C’est notamment elle qui l’a introduit auprès du prince Andrew, à la toute fin des années 1990. Le nom du deuxième fils d’Elizabeth II revient inlassablement dans ce dossier : Virginia Roberts accuse notamment le prince d’avoir eu des relations sexuelles avec elle lorsqu’elle était mineure.
La procureure Audrey Strauss a rappelé, début juillet, que les enquêteurs espéraient toujours l’interroger.
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