Voix d’orientation. Chaque mois, « Le Monde Campus » publie des témoignages d’étudiants et de jeunes diplômés sur leurs études, leur orientation et leur transition professionnelle. Ana*, 19 ans, étudiante en troisième année de licence à l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL), a rédigé ce texte pendant le deuxième confinement dû au Covid-19.
J’ai les yeux qui piquent, les oreilles qui sifflent de douleur, les muscles qui tremblent, les cernes qui se creusent, le poignet endolori, le dos en compote et le moral dans les chaussettes. Je ne me sens plus capable de rien, je n’ai plus faim et je suis épuisée. Non, je ne suis pas en dépression, ou plutôt, pas encore. Je suis étudiante à l’Université PSL (Paris Sciences et Lettres), en troisième année d’une licence pluridisciplinaire en sciences sociales. Je suis confinée, et obligée de suivre les cours en ligne.
Le mardi, j’ai onze heures trente de cours à distance, avec une demi-heure de pause pour manger. Le lundi, je n’ai « que » sept heures de cours. Quand je termine à 18 heures, je peux profiter d’une heure de marche, dans la nuit. Après quoi, il faut se mettre à réviser pour les échéances du lendemain.
Comment allez-vous retrouver les étudiants dans un, deux ou trois mois ? En miettes. Il faut arrêter de nous déconsidérer, de se dire que les études ne sont pas du travail, que ce n’est pas difficile, après tout, d’allumer un ordinateur et de prendre des notes. Quand je vous dis que j’ai mal au dos, c’est au point de me retourner de douleurs sans dormir la nuit. Quand je vous dis que je me sens incapable de tout, c’est au point d’étouffer et d’avoir des crises de panique.
« Les premiers touchés par la crise »
Il faut aussi arrêter de dire que nos universités et nos fêtes sont responsables de tout. D’abord, nous n’avons pas tous fait de fête. Et quand nous nous sommes retrouvés, ce n’est pas dans l’inconscience. C’est dans la conscience de la nécessité de se voir après des semaines d’enfermement, physique et psychologique. En outre, nous nous sentons très concernés par une crise qui touche nos familles et nos amis. Ma grand-mère est décédée le 4 octobre après deux mois de solitude dans un hôpital fermé aux familles. Ce texte lui rend hommage, car toute sa vie elle a promu la valeur libératrice de l’écriture.
Ensuite, nous, les étudiants, nous sommes les premiers à être touchés par les effets dévastateurs directs et indirects de la crise sanitaire. Et que dire des examens et modalités d’évaluation ? Nous n’avons pas tous des scanners ou des photocopieuses. Pourtant, les professeurs ne sont pas plus indulgents avec nous : un devoir non rendu dans les dix minutes n’est pas corrigé, car on considère que nous avons triché.
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