« Quelle est ta nationalité ? Tu es palestinien ou bien égyptien ? » Un officier habillé en civil intimide un jeune supporteur de foot qui a brandi un drapeau palestinien au milieu des gradins. La scène, capturée par téléphone, se déroule au stade du Caire, vendredi 26 avril, lors de la demi-finale de Ligue des champions africaine remportée par Al-Ahly SC, l’un des clubs emblématiques de la capitale égyptienne. Quelques minutes plus tard, la foule entonne en chœur des slogans de soutien à la population gazaouie.
Cet épisode pourrait paraître anecdotique s’il n’était pas symptomatique de l’embarras des autorités égyptiennes face au potentiel éruptif du soutien de la cause palestinienne parmi la population. Au Caire et dans toute l’Egypte, les signes de solidarité envers Gaza sont omniprésents. Des taxis affichent des stickers, des magasins arborent des drapeaux palestiniens sur leur devanture, de nombreux Egyptiens portent le keffieh. Si partout la colère des Egyptiens face à la souffrance des Gazaouis est palpable, son expression reste contenue, cantonnée aux réseaux sociaux ou aux discussions de café, par crainte de s’attirer les foudres du régime.
Dans les rues, toute tentative de mobilisation pour dénoncer l’offensive israélienne et les blocages de l’aide humanitaire est strictement empêchée par les autorités. Dernier exemple en date, le 23 avril, un rassemblement d’une vingtaine de féministes, juristes et journalistes, en soutien aux femmes palestiniennes et soudanaises victimes des conflits, a été violemment dispersé. Les militantes étaient venues porter une lettre au bureau des Nations unies pour la défense et la promotion des droits des femmes afin d’exiger que des actions concrètes soient prises pour protéger les femmes de Gaza et du Soudan.
En quelques minutes, le rassemblement a été encerclé par des officiers des services de sécurité égyptiens en tenues civiles et 16 participantes ont été arrêtées. « Le message délivré par le pouvoir est clair : même une action inoffensive ne sera pas permise », s’indigne l’avocate Mahienour Al-Massry, qui a été brutalement plaquée au sol lors de son arrestation. « Nous vivons un sentiment d’extrême frustration. Alors que les Palestiniens se font massacrer, nous sommes muselés », poursuit l’avocate de 38 ans, qui se souvient non sans ironie qu’un drapeau palestinien était collé sur le minibus réquisitionné par les officiers de police pour les embarquer vers le commissariat de Tora, au sud du Caire.
Creuset pour les mouvements d’opposition
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