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En France, la diaspora algérienne attend avec impatience la réouverture des frontières

Alors que les autorités gardent le pays fermé pour cause de lutte contre le Covid-19, certains renoncent, la mort dans l’âme, à venir rendre visite à leur famille durant l’été.

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Publié le 06 juillet 2020 à 20h00, modifié le 06 juillet 2020 à 20h38

Temps de Lecture 4 min.

La baie d’Alger, le 29 juin 2020.

« Excusez-moi, je voudrais un billet pour Bejaïa ? » « Vous savez si on peut réserver pour Alger ? » « Quand est-ce qu’on peut partir au pays ? » Chaque jour, une centaine de personnes franchit la porte de cette agence de voyage installée depuis des décennies à la Goutte-d’Or, dans le 18e arrondissement de Paris. Tous posent avec inquiétude les mêmes questions. Et Abdel* (le prénom a été changé), la soixantaine, donne toujours avec dépit la même réponse : « On n’en sait rien. Revenez dans quelques jours. A partir du 15 juillet. »

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Les frontières terrestres, maritimes et aériennes de l’Algérie sont fermées et elles vont le rester jusqu’à la fin de la pandémie de Covid-19 ou plus précisément « jusqu’à ce que Dieu nous libère de ce fléau », a annoncé chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebbboune le 28 juin. Car le pays connaît depuis les premières mesures de déconfinement prises il y a près d’un mois, une flambée de foyers d’infection, en particulier dans l’est (Sétif) et le sud-est. Recrudescence due, selon les autorités, au non-respect des règles de prévention.

Pour enrayer la contagion, le gouvernement algérien a reconduit, jusqu’au 13 juillet, son dispositif de confinement en place dans 29 des 48 wilayas (préfectures) du pays. Depuis l’enregistrement du premier cas le 25 février, le pays a officiellement recensé près de 16 000 personnes contaminées et plus de 950 décès.

« La Méditerranée presque effacée »

En France, ces annonces ont été très mal vécues par une partie de la diaspora algérienne, alors même que l’Union européenne (UE) a annoncé, mardi 30 juin, la réouverture de ses frontières aériennes avec le pays. « Une large majorité des Algériens tient à partir cet été », souligne Abdel de l’agence de voyage, une preuve à ses yeux du « lien fusionnel entre la France et l’Algérie au point que la mer Méditérannée est presque effacée. »

Comment lui donner tort ? Selon la Direction générale de l’aviation civile française, il y a eu quelque 4,4 millions de passagers en 2019 entre la France et l’Algérie. Plus d’un quart de ces voyages s’effectue l’été. Et ces chiffres ne prennent pas en compte les liaisons maritimes.

Mais cette année encore, Saïd ne reverra pas les montagnes de Kabylie. Ce grand quinqua de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) avait visité l’Italie l’an passé en famille et pensait retrouver sa maison de Tizi Ouzou en août. « Tout était prévu, mais c’est la pagaille en Algérie. A la place, on ira peut-être au Danemark en camping-car », confie-t-il « dégoûté ».

Face au coronavirus, certains préfèrent en effet éviter de rentrer. « Cette crise sanitaire fait se poser des tas de questions, regrette Saïd. Que se passerait-il si on tombait malade là-bas ? Et que faire si les autorités décident de reconfiner ? Comment quitter le pays dans ce cas ? Et pourquoi ferment-ils les frontières alors qu’il y a si peu de morts ? Peut-on vraiment croire l’Etat ? »

Pour les plus jeunes, l’Algérie rime ainsi souvent avec liberté et famille. « Chaque été, j’ai l’habitude de passer mes deux mois de vacances à Bejaïa, raconte Sonia, 11 ans. Il y a des mariages, les grands-parents, les cousins, les oncles, les tantes, la plage. On s’amuse beaucoup, il y a de l’ambiance. On ne s’ennuie jamais, même la nuit. » Du coup, depuis la fin de l’école, la jeune fille tourne en rond dans son appartement du Val-d’Oise. Même si elle n’ira pas en Algérie cette année avec ses parents, elle se dit « heureuse de découvrir la France ». Destination Lyon, puis le Sud, à la fin du mois.

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Il est pourtant possible de trouver des billets en ligne pour l’Algérie. Les plus téméraires peuvent se rendre sur les sites de la compagnie Air France ou Air Algérie et sur Transavia, qui propose des vols pour Béjaïa, Alger ou encore Constantine à des prix cassés pour un départ vers la fin juillet. « Mais je ne conseille pas de le faire tant qu’il n’y a pas une annonce officielle de l’Etat algérien, tient à préciser Abdel. Moi, je ne prends aucune réservation. J’ai fait zéro chiffre d’affaires. »

Epuisement extrême

Ceux qui ont réservé malgré tout espèrent notamment pouvoir célébrer en famille la grande fête de l’Aïd-El-Kébir. Avec une impatience palpable, ils ont envie d’embrasser la famille, de revoir leur « beau pays », d’apporter des cadeaux ou des médicaments et attendent avec anxiété de savoir quand les frontières vont rouvrir. « Il faut dire que ça fait du bien aussi à la population algérienne de retrouver les gens qui viennent de France », assure Abdel, le voyagiste.

Mais il n’y a pas que les vacanciers qui attendent avec impatiente la réouverture des frontières. Pour les Algériens bloqués en France depuis la crise du coronavirus, la situation est parfois compliquée. Même si les autorités ont prolongé la validité des titres de séjour, certains se retrouvent en grande précarité, obligés de vivre dans des hôtels modestes ; les plus chanceux ont pu être hébergés par la famille. Le 22 juin, une centaine de personnes s’est même rassemblée devant l’ambassade d’Algérie à Paris, exigeant un « rapatriement ». « Désespoir, épuisement extrême, physique et psychologique, aggravés par une situation financière au plus bas, proche de la mendicité. Des personnes souffrant de maladies chroniques qui n’ont pas les moyens pour renouveler leurs médicaments, des mères qui n’arrivent plus à nourrir leurs enfants, etc. », a relaté le quotidien algérien El Watan.

Et puis, on peut citer, également des « drames », comme celui que vit en ce moment Salim. Ce Franco-algérien de 51 ans qui habite à Lyon, a perdu sa mère en avril, décédée à Alger du Covid-19. « Elle avait 84 ans, elle était en pleine forme », dit-il encore très ému. Mais il n’a pas pu faire son deuil et « c’est une déchirure », martèle-t-il. « Avec ma famille, nous sommes bloqués psychologiquement, et physiquement, dit-il. Tous les jours, je regarde si les frontières vont s’ouvrir. J’ai perdu mon père en début d’année et ma mère, à cause du virus, a été enterrée dans un autre cimetière. » Dès qu’il sera possible de s’envoler pour l’Algérie, il s’y rendra avec ses sœurs mais pas avec ses trois jeunes enfants. « Chaque jour, je prie pour que le pays s’ouvre, dit-il. Le plus vite possible. »

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