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Poster for a communication campaign in a metro station showing a person carpooling, for the anticipation of travel during the Olympic and Paralympic Games in Paris, France on February 2, 2024. Anticipating the Games, the important thing is to carpool: the French Government s approach to people living in the Paris region to prepare their daily travel during the Paris 2024 Summer Olympics. Affiche d’une campagne de communication à l’arrière d’un bus dans une station de metro montrant une personne qui se deplace en covoiturage, pour l anticipation des deplacements pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques a Paris, France le 2 fevrier 2024. Anticiper les Jeux, l important c est de covoiturer : la demarche du Gouvernement francais a destination des Franciliens pour preparer leurs deplacements du quotidien pendant les JO d ete Paris 2024.
Amaury Cornu

Paris 2024 : relever le défi des transports, une épreuve avant l’heure

Par , et
Publié le 17 avril 2024 à 06h30, modifié le 24 avril 2024 à 16h09

Temps de Lecture 6 min.

Au retour d’un voyage d’affaires aux Etats-Unis, à la mi-mars, Jeanne, qui témoigne sous son deuxième prénom, n’en revenait pas. A l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, elle découvrait, à 8 heures du matin, « une file d’attente d’une vingtaine de minutes » avant de pouvoir acheter, au distributeur, un ticket en carton pour le RER vers Paris. « Des agents très gentils orientaient vers les machines les touristes qui ne parlaient pas français. » A Lyon, où elle vit, la voyageuse se contente de poser sa carte bancaire sur le valideur pour entrer dans l’enceinte du métro, un procédé dont sont équipés les transports publics à Bruxelles, à Milan (Italie) ou à Londres.

Rien de tel en Ile-de-France, où l’autorité organisatrice, Ile-de-France Mobilités (IDFM), présidée par Valérie Pécresse (Les Républicains), le refuse. La raison avancée ? « Nous avons choisi la technologie du smartphone, a-t-elle répondu le 25 mars, lors d’une conférence de presse. Et il est compliqué d’en changer. » Soit, « mais comment va-t-on faire pour les Jeux olympiques [JO] ? », s’interroge Jeanne.

Cette question, elle n’est pas la seule à se la poser. Dans le métro parisien, dont certaines stations sont décorées par de superbes images estampillées « Olympiade culturelle », les temps d’attente s’allongent sur les quais, et aux arrêts de bus les incidents se multiplient, les conducteurs manquent. Alors que, selon la formule consacrée, « Paris va accueillir le monde », comment vont fonctionner les transports cet été s’ils peinent à assurer leur mission en temps normal ?

Sur le papier, tout est prévu. Paris a promis au « monde » l’accès à 100 % des sites olympiques en transports en commun. Pour le dire autrement, rien ne sera fait pour faciliter la vie de celui qui voudrait arriver en voiture. « Le défi majeur consiste à concilier trois usages : les déplacements des 200 000 personnes accréditées, des millions de spectateurs et des voyageurs habituels », explique Florent Bardon, coordinateur national des mobilités pour le grand événement. Un véritable tour de force.

En guise d’amuse-bouche, lors de la soirée de la cérémonie d’ouverture, qui se déroulera, sauf imprévu, sur la Seine le 26 juillet, même l’accès aux gares parisiennes serait compromis, que l’on soit en taxi, en métro ou à vélo. Aucun avion ne volera dans un périmètre de 150 kilomètres autour de Paris. Les jours suivants, jusqu’au 11 août et la fin de la compétition, les aéroports parisiens transféreront un nombre record de bagages hors format, perches, vélos ou canoës.

Ticket au prix fort

Tous les responsables, ministres successifs, préfets, opérateurs, élus régionaux ou parisiens, de tendances politiques différentes ou d’entreprises concurrentes, consacrent à l’objectif de longues réunions et d’intenses séances de communication, tandis que des « test events », compétitions sportives ou simulations d’incidents, servent à vérifier la robustesse de l’organisation. A mesure que le compte à rebours avance, plus question de souffler le chaud et le froid comme l’avait fait, en novembre 2023, la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, en lâchant, à propos des transports, un « on ne va pas être prêts ». « Ils se tiennent tous par la barbichette. Personne ne peut prendre le risque d’un échec », glisse un observateur.

L’attente à l’aéroport ? Valérie Pécresse conseille vivement aux spectateurs des Jeux d’acquérir, avant même leur voyage, le passe olympique rose et violet, qui donnera accès à l’ensemble des transports publics, y compris les aéroports. Les spectateurs paieront le prix fort (16 euros la journée), et les tickets de métro seront vendus, en forme de dissuasion, 4 euros l’unité. L’explication de la présidente de la région, « ne pas laisser une dette olympique aux Franciliens », est acceptable, même si la comparaison est cruelle. « A Londres, Pékin et Athènes, les transports étaient inclus dans les billets [des épreuves] », rappelle Julien Joly, du cabinet de conseil Wavestone.

Les menaces de grève ? En dépit du « dialogue social nourri » et des appels à « l’esprit de service public » lancés par les autorités, « les opérateurs devront choisir le bon moment pour verser des primes au personnel, analyse le consultant en stratégie des mobilités Pascal Auzannet. Trop tôt, cela ouvrirait la voie à la surenchère, trop tard, ce serait périlleux ».

La cadence des trains et des métros ? Les opérateurs s’appuient sur une méthode appelée « transportation demand management » (« gestion de la demande de transport »), née aux Etats-Unis dans les années 1970, qui consiste à sonder la demande pour adapter la capacité. IDFM a délivré un plan de transports station par station, jour par jour, heure par heure, assorti d’une prévision des temps d’attente, consultable sur le site Anticiperlesjeux.gouv.fr. Sur le terrain, rien n’est laissé au hasard. IDFM, la RATP, la SNCF et Aéroports de Paris ont réussi, non sans mal, à se mettre d’accord sur la couleur des chasubles que revêtiront les milliers d’agents chargés d’orienter les spectateurs dans les gares et les stations de métro. La Ville de Paris a recruté cinq mille volontaires qui renseigneront les passants dans la rue. Tous ces agents seront informés en temps réel par les mêmes canaux.

L’application ad hoc conseillera les trajets les moins fréquentés, pas forcément les plus courts. Une bonne idée, selon Arnaud Bertrand, président de l’association d’usagers Plus de trains. « Quand le RER A ne fonctionne plus, nous conseillons sur les réseaux sociaux d’éviter la ligne 1 du métro, parallèle mais saturée. Mieux vaut contourner largement l’obstacle », indique-t-il, espérant que cette bonne pratique sera conservée après les Jeux, « sous forme d’héritage ». De même, « il faut s’attendre à voir se multiplier les sens interdits dans les couloirs du métro », explique Julien Joly. Les usagers connaissent ces passages à sens unique où se postent parfois des agents verbalisateurs.

Réseau séparé pour les athlètes

Pour avoir une idée du défi, on peut se tourner vers Lyon, où le réseau, lors de la Fête des lumières, chaque année en décembre, enregistre six millions de trajets en quatre jours. « Rien n’est laissé au hasard », explique Thomas Fontaine, directeur de Keolis, l’opérateur des transports lyonnais jusqu’à la fin de 2024. « Nous conservons des rames de métro ou des bus en réserve, en cas, par exemple, de grosse averse, qui précipiterait les gens dans les transports. Lorsqu’ils prennent une correspondance, les voyageurs doivent sortir de la station de métro. C’est la seule manière d’éviter les goulots d’étranglement dans les couloirs », témoigne-t-il. On ne sait pas encore si IDFM s’inspirera de cette méthode.

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A cent jours du 26 juillet, même s’ils ne le disent pas publiquement, les acteurs se montrent optimistes. « Ça devrait bien se passer. La SNCF et la RATP ont l’habitude. Je suis fasciné, par exemple, par leur capacité à vider le Stade de France [à Saint-Denis] à partir de l’instant précis où le coup de sifflet final retentit », constate Arnaud Bertrand.

Les restrictions de circulation lors des Jeux olympiques de Paris 2024

Les restrictions de circulation lors des Jeux olympiques de Paris 2024

Les restrictions de circulation lors des Jeux olympiques de Paris 2024

Les restrictions de circulation lors des Jeux olympiques de Paris 2024

Source : Préfecture de police de Paris ; Paris 2024
Infographie Le Monde

Les bouleversements ne se limiteront pas aux transports publics. Autour des sites olympiques, de larges périmètres seront interdits aux véhicules motorisés. Un réseau de transports séparé, offert aux 200 000 personnes accréditées, occupera l’espace public. Les athlètes, leurs entraîneurs, leurs familles, les équipes techniques ou les journalistes, « pourront se déplacer en moins d’une demi-heure, conformément à la promesse faite lors de la candidature », explique Florent Bardon, au ministère des transports. Ce circuit comprend 185 kilomètres de voirie, dont une voie réservée sur le périphérique, sur lesquels circuleront des bus et 2 700 voitures électriques, hybrides ou à hydrogène. Un terminal éphémère situé à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) accueillera les 900 bus qui, aux heures de pointe, partiront à la cadence d’un par minute en direction des sites olympiques.

Les JO, ce sont aussi des fan-zones, des concerts, des rencontres sportives « off ». Partout en France, à partir du 8 mai et pendant plus de trois mois, le passage de la flamme olympique, débarquée en trois-mâts à Marseille, va bouleverser les centres-villes, interrompre des lignes de bus ou de tramway, bloquer des places de stationnement, bousculer des commerces, déplacer des marchés. Cet été, des milliers de conducteurs de bus, entre autres scolaires, venus de toute la France, seront mobilisés pour assurer les transports olympiques.

De quoi réconcilier Paris et « la province » ? On verra. Mais une chose est sûre : sur les plus de onze millions de touristes attendus pour les JO, quasiment neuf sur dix viendront de France, et même près de la moitié d’Ile-de-France, affirme l’office de tourisme de Paris. Tous voudront participer à la fête, sans forcément posséder de billet pour une épreuve. Ce qui laisse une marge de manœuvre : si le plan de transport devait tourner au fiasco, une partie des visiteurs attendus resteront sagement devant leur poste de télévision.

Retrouvez tous les épisodes de la série « Un quart d’heure en ville ».

« Un quart d’heure en ville » est un projet du « Monde Cities », réalisé avec le soutien de Toyota. Rédaction en chef : Emmanuel Davidenkoff. Articles : Olivier Razemon. Infographie : Le Monde. Podcast : Marjolaine Koch, Jules Benveniste, Joséfa Lopez. Suivi éditorial des podcasts : Joséfa Lopez. Coordination articles : Isabelle Hennebelle. Edition : Guillemette Echalier. Identité graphique du podcast : Marianne Pasquier, Thomas Steffen, Léa Girardot. Iconographie : Sandra Grangeray. Partenariat : Sonia Jouneau, Morgane Pannetier.

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