Alors que les actions en soutien à Gaza se multiplient dans les campus français, Sciences Po Paris a accueilli, jeudi 2 mai, un débat interne sur le Proche-Orient. A l’issue de cet échange jugé « décevant, mais sans surprise », les étudiants du comité Palestine de Sciences Po ont annoncé dans l’après-midi le lancement d’un « sit-in pacifique » dans le hall de l’école et le début d’une grève de la faim par six étudiants « en solidarité avec les victimes palestiniennes ».
Jeudi soir, l’occupation du campus a été votée par une centaine d’étudiants réunis en assemblée générale, a fait savoir une membre du comité Palestine, qui n’a pas donné son nom. A la suite de cette décision, la direction de Sciences Po a annoncé la fermeture, vendredi, de ses principaux locaux à Paris, dans un message envoyé aux salariés. « Suite au vote de l’occupation des étudiants, les bâtiments du 25, 27, 30, rue Saint-Guillaume et du 56, rue des Saints-Pères, resteront fermés demain, vendredi 3 mai. Nous invitons à rester en télétravail », communique ce message, envoyé par la direction des ressources humaines de Sciences Po.
Le débat interne a, lui, été « dur », selon Jean Bassères, l’administrateur provisoire de la prestigieuse école parisienne. « Ç’a été un débat (…) avec des prises de position assez claires, beaucoup d’émotion et donc j’aspire maintenant à ce que chacun retrouve le calme » avant les examens prévus lundi, a-t-il déclaré.
Il avait admis rester « extrêmement prudent sur la suite des événements », alors que la mobilisation se diffuse en France, en écho à la mobilisation croissante des campus aux Etats-Unis, marquée par le déploiement de la police sur plusieurs sites.
L’administrateur provisoire a reconnu avoir « pris des positions assez fermes sur certains sujets », en refusant « très clairement la création d’un groupe de travail qui était proposé par certains étudiants pour investiguer [les] relations [de l’école] avec les universités israéliennes ».
« Après un début où les débats étaient apaisés, la tension est montée à la fin », a témoigné auprès de l’Agence France-Presse Hugo, 22 ans, étudiant en master à Sciences Po, pour qui « la principale information est le refus du directeur de créer un groupe de travail pour réévaluer les partenariats de Sciences Po ».
« Il y avait des demandes claires et il n’y a pas eu de réponse claire », a regretté une étudiante en master d’urbanisme, qui a refusé de donner son nom, fustigeant « une mollesse de l’administration ».
« Voie équilibrée et ferme » de la ministre, selon France Universités
Après une mobilisation marquée par des tensions vendredi dernier, le mouvement avait été suspendu à Sciences Po Paris : la direction avait accepté d’organiser un débat interne « ouvert à toutes les communautés de Sciences Po », qualifié de « townhall », terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique.
Sur la demande des étudiants d’interroger les « partenariats de l’école avec les universités et organisations soutenant l’Etat d’Israël », la ministre de l’enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, a répété, jeudi matin, qu’il était « hors de question que les universités prennent une position institutionnelle en faveur de telle ou telle revendication dans le conflit en cours au Proche-Orient ».
La ministre a demandé aux présidents d’université de veiller au « maintien de l’ordre » public, en utilisant « l’étendue la plus complète des pouvoirs » dont ils disposent, notamment en matière de sanctions disciplinaires en cas de troubles ou de recours aux forces de l’ordre, lors d’une intervention en visioconférence au conseil d’administration de France Universités.
A l’issue de cet échange, France Universités, qui fédère 116 membres, dont 74 universités, a « salué la détermination de la ministre à porter une voie équilibrée et ferme pour un retour au calme ».
Des actions à Lille, Saint-Etienne ou Lyon
Des actions se sont multipliées en France ces derniers jours, principalement sur les sites de Sciences Po en régions, mais aussi dans quelques universités. Le tout dans un contexte politique électrique, en pleine campagne des européennes ; La France insoumise est notamment accusée par la droite d’« instrumentalisation » du mouvement.
Non loin de Sciences Po, devant la Sorbonne, où la police était déjà intervenue lundi pour évacuer des manifestants, près de 300 étudiants venus de différents campus se sont réunis jeudi après-midi et ont organisé un campement d’une vingtaine de tentes. Ils ont été délogés une heure plus tard par plus d’une centaine de membres des forces de l’ordre, selon une journaliste de l’AFP.
L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a annoncé organiser vendredi une « table du dialogue » place de la Sorbonne, pour « débattre avec les étudiants juifs », « lutter contre la polarisation du débat » et « montrer que l’on peut se mobiliser sans insulter et invectiver ».
Jeudi matin à Lille, l’institut d’études politiques est resté fermé et les accès à l’école supérieure de journalisme (ESJ) étaient bloqués et les cours annulés.
A Saint-Etienne, une poignée d’étudiants qui bloquaient depuis jeudi matin les accès à l’un des sites de l’université Jean-Monnet ont été évacués dans la soirée par la police. Les forces de l’ordre étaient déjà intervenues mardi sur ce site stéphanois pour déloger des militants propalestiniens.
A Sciences Po Lyon, « une petite centaine » de personnes occupaient jeudi soir un amphithéâtre, a indiqué une représentante du syndicat étudiant UNEF à l’AFP. La cheffe des députés LFI, Mathilde Panot, est venue leur « apporter son soutien » en fin de soirée après un meeting à Vénissieux, a-t-elle annoncé sur X. « Gloire à la jeunesse de ce pays qui défend notre humanité commune », a-t-elle ajouté.
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