Le chantier gigantesque et complexe lancé après l’incendie qui a ravagé la toiture de Notre-Dame de Paris a repris lundi 19 août, après avoir été interrompu le 25 juillet en raison des risques de contamination au plomb.
« Les travaux ont repris à 8 heures ce lundi avec une cinquantaine d’ouvriers maximum », a fait savoir le ministère de la culture. Le préfet de la région Ile-de-France, et de Paris, Michel Cadot, a donné son feu vert à cette reprise après une visite sur le chantier, mais les questions en suspens et les travaux qui restent à entreprendre sont nombreux.
Les risques de contamination ont-ils été évacués ?
L’incendie a fait fondre plusieurs centaines de tonnes de plomb, élément toxique pour l’homme, en détruisant la flèche. Une partie s’est évaporée en particules dans l’atmosphère et dans les sols. Après des mesures rassurantes sur la qualité de l’air, le débat s’est porté sur la concentration de plomb sur les sols, autour de Notre-Dame et dans certaines écoles de la rive gauche. Les enfants sont en effet particulièrement vulnérables aux effets de ce métal dans l’organisme. Des associations ont à cet égard accusé les autorités d’avoir négligé, caché ou minimisé les risques. L’une d’elles, Robin des Bois, a porté plainte contre X.
L’inspection du travail a, elle, fait interrompre le chantier le 25 juillet afin de renforcer la protection des ouvriers sur le site. Une décontamination des sols autour de la cathédrale et de plusieurs établissements scolaires a depuis lors été lancée. Depuis lundi, dans l’édifice, des dispositifs stricts, incluant le passage par des douches et le port de tenues jetables, sont mis en œuvre à l’intérieur du chantier, lui-même hermétiquement fermé.
« Les tourniquets [pour entrer et sortir du chantier à l’aide de badges] seront installés dans la semaine », a précisé le ministère de la culture. Le passage sur le chantier se fait par une entrée unique. Toute personne pénétrant dans le chantier doit obligatoirement passer par une unité de décontamination, se déshabiller entièrement et se rhabiller avec des vêtements jetables et non plus porter une simple combinaison étanche comme c’était le cas avant le 25 juillet.
A ce jour, plus de 160 enfants ont été dépistés pour contrôler la présence de plomb dans leur sang. Cent quarante-six se situent sous le seuil de vigilance, soit 25 à 50 microgrammes de plomb par litre de sang, seize présentent des résultats situés à l’intérieur de cette fourchette, et deux dépassent le seuil de déclaration obligatoire de saturnisme sans pour autant faire l’objet de mesures médicales particulières autres qu’un suivi.
La sécurisation, ce qu’il reste à faire
La phase de consolidation est loin d’être terminée. Reste en effet à placer des cintres sous les arcs-boutants, à installer des plafonds provisoires au-dessous et au-dessus de la voûte (pour pouvoir la contrôler et en dégager les gravats), à démonter l’échafaudage édifié autour de la flèche, soudé par le feu. Tous ces travaux doivent être réalisés en évitant les chutes de pierres ou tout déséquilibre qui abîmerait la structure.
Le diagnostic sur l’état du bâtiment ne pourra être dressé que quand cette sécurisation sera achevée. Il s’agira de vérifier si les pierres sont sèches ou si elles doivent être remplacées. Les travaux de restauration proprement dits ne pourront toutefois pas débuter avant le premier semestre 2020.
Une reconstruction prévue en plusieurs étapes
La flèche, la toiture, la charpente et 15 % de la voûte sont à reconstruire totalement et de grands choix historiques devront être pris. Utilisera-t-on du bois de chêne pour la charpente ? Reconstruira-t-on à l’identique ? Les entreprises chargées du chantier seront choisies à l’issue de procédures de marché public et avec l’assentiment des architectes des Monuments historiques. Des ouvriers et compagnons doivent être formés.
Pour l’éventuelle reconstruction de la flèche et l’aménagement du pourtour de la cathédrale, un concours international d’architectes déterminera si un geste architectural audacieux ou un choix traditionnel sera retenu. Toutes ces étapes prendront du temps. La reconstruction pourra alors s’engager. Cette phase ne sera pas forcément la plus longue, les technologies modernes offrant des moyens importants.
Accueillir les fidèles et les visiteurs
Le diocèse est attaché à ce que la cathédrale soit rendue au culte, une fois tous les dangers de sécurité écartés. La nef, qui a été épargnée, pourrait être assez rapidement rouverte pour des messes.
En attendant, une cathédrale éphémère, sous la forme d’une tente, devrait au moins être édifiée sur le parvis et une réplique de la Vierge du pilier y être exposée. Des projets plus ambitieux ont été évoqués. La structure temporaire pourrait contenir un espace de prière mais aussi une boutique de souvenirs, une librairie, et un lieu de halte pour les milliers de touristes qui continuent d’affluer chaque jour aux abords de l’édifice depuis l’incendie.
Les suites judiciaires
Le Canard enchaîné, qui n’a jamais été démenti, a révélé un ensemble de dysfonctionnements le soir de l’incendie qui ont retardé d’une demi-heure l’appel aux pompiers. Le journal a également fait état de travaux d’électricité bâclés, de sous-effectifs, évoquant aussi une méfiance entre les services publics et le diocèse.
L’enquête, dans le cadre de laquelle ont été auditionnés une centaine de témoins, a écarté pour le moment une origine criminelle. Les enquêteurs estiment que le départ de feu pourrait être dû à un dysfonctionnement électrique ou à l’abandon d’une cigarette mal éteinte alors qu’un chantier était en cours autour de la flèche.
Trois magistrats instructeurs, dans le cadre d’une information judiciaire, doivent poursuivre les investigations à la rentrée. Des mises en examen de responsables d’entreprises concernées ne sont pas exclues pour répondre de négligences.
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