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En Mongolie, un hiver assassin décime les troupeaux des nomades

De nombreux éleveurs de la steppe ont perdu tout ou partie de leur bétail ces derniers mois, à cause de la formation précoce d’une couche de glace et des froids extrêmes qui ont privé les animaux de nourriture. Pour beaucoup, ce désastre signe la fin de la vie nomade.

Par  (Munkhkhaan [Mongolie], envoyé spécial)

Publié le 28 avril 2024 à 16h07, modifié le 29 avril 2024 à 08h27

Temps de Lecture 7 min.

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Des carcasses gelées de bêtes mortes, à Sükhbaatar (Mongolie), le 17 mars 2024.

La steppe s’est finalement libérée de la glace et de la neige. Le blanc cède au jaune encore sec du début de printemps, mais sur ces étendues vides à perte de vue, on distingue régulièrement des taches d’autres couleurs : brun, beige, noir. Des carcasses de chevaux, de moutons et de vaches, parmi les plus de 6,9 millions d’animaux qui n’ont pas traversé le si rude hiver. Les Mongols parlent d’un dzud (désastre) « blanc et de fer » : la neige est tombée soudainement dès le début du mois de novembre 2023, mais un redoux l’a fait fondre. Le grand froid est venu aussitôt après, figeant de décembre à la fin mars une couche de glace impénétrable recouverte d’une neige épaisse.

Les nomades n’avaient pas souvenir de telles températures, tombées en dessous de – 40 °C. Ils sont restés impuissants devant leurs bêtes mourant une à une. Oyungerel Dolgsuren a quasiment tout perdu. Des quatre cents bêtes qu’elle élevait avec son mari, Demberelsaihan, et leurs trois enfants, ne survivent que trois moutons, une trentaine de chèvres et quatre vaches. Les treize chevaux qui subsistaient de leur troupeau de cinquante têtes se sont égarés dans le froid et le blizzard. Il n’y a aucun doute qu’ils sont désormais morts, mais le couple les cherche quand même.

Chaque soir, l’éleveuse de 46 ans repense à ce qu’il aurait fallu faire si seulement on avait su : vendre toutes les bêtes dès décembre. Mais arrivé en janvier, quand le couple a compris l’ampleur de la catastrophe, il était déjà trop tard. Impossible de franchir les 40 kilomètres de piste jusqu’à la petite ville de Munkhkhaan pour vendre le bétail. Les éleveurs avaient de la neige jusqu’aux hanches et il fallait dégager la porte de la yourte pour en sortir. En quelques minutes seulement à l’extérieur pour chercher et nourrir les animaux, Oyungerel Dolgsuren avait les pommettes gelées. Elle a eu peur pour elle aussi. Les animaux ne pouvaient plus se nourrir en grattant le sol, la glace était incassable, ils en avaient les pattes écorchées. La famille a utilisé tout le grain de complément, pour lequel elle avait emprunté avant la saison hivernale, mais rien n’y a fait.

Tas de carcasses

Affaiblies, les bêtes ont succombé au froid et à la faim. Alors que les animaux malades ou vieux mettent du temps à trépasser, raconte la nomade, là, tous mouraient vite. Ils se posaient et ne se relevaient plus. Chaque jour, il y en avait trois ou quatre, parfois plus, vingt d’un coup, un terrible matin. La famille a fait dormir les bêtes les plus affaiblies avec elle dans la yourte, mais elles étaient déjà trop diminuées. Certaines femelles sont mortes d’épuisement durant la gestation ou en mettant bas. « On a tout essayé », répète Oyungerel Dolgsuren.

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