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Elections européennes : face à Valérie Hayer, Jordan Bardella brocarde « l’Europe de Macron »

A un mois du scrutin du 9 juin, la candidate du camp présidentiel et celui du Rassemblement national se sont vivement opposés lors d’un débat sur BFM-TV, livrant des visions diamétralement opposées sur l’agriculture, l’Ukraine et l’immigration.

Le Monde

Publié le 03 mai 2024 à 00h00, modifié le 03 mai 2024 à 08h26

Temps de Lecture 5 min.

Le candidat du Rassemblement national, Jordan Bardella, et celle du camp présidentielle, Valérie Hayer, avant un débat sur BFM-TV, jeudi 2 mai 2024.

C’était leur premier débat face à face, très attendu par les deux camps, près d’un mois avant les élections européennes. Le candidat du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, et la tête de liste macroniste, Valérie Hayer, tous deux eurodéputés depuis 2019, ont exposé pendant plus de deux heures sur BFM-TV, jeudi 2 mai, deux visions diamétralement opposées, que ce soit sur l’agriculture, l’Ukraine ou encore l’immigration.

Tout au long de ce débat, l’élu d’extrême droite, favori jusqu’ici des sondages, n’a eu de cesse de nationaliser les enjeux du scrutin, en visant avant tout le président de la République. « Le 9 juin, il faudra à la fois sanctionner la politique d’Emmanuel Macron, parce que c’est la seule élection nationale du quinquennat avant la prochaine présidentielle, et évidemment sanctionner l’Europe de Macron qui, il y a quelques semaines encore, a mis des milliers d’agriculteurs dans les rues du pays », a-t-il lancé, estimant que Mme Hayer « représente [jeudi] soir le pouvoir politique en France ».

Moquant « la duplicité » de M. Bardella – « il raconte ce qu’il ne vote pas, il ne vote pas ce qu’il raconte » – et lui reprochant régulièrement de lui couper la parole, Mme Hayer s’est placée en candidate « profondément européenne ». « Je crois profondément que c’est en renforçant l’Europe qu’on renforcera la France et qu’on renforcera les Français », a-t-elle défendu, alors que sa liste est menacée dans les sondages par celle menée par Raphaël Glucksmann (Parti socialiste-Place publique).

Interrogée en préambule de l’émission sur la récente succession de faits divers – dont la mort de Matisse, 15 ans, tué à Chateauroux, le 27 avril, par un mineur de nationalité afghane –, la candidate macroniste a dénoncé « l’indignité » du RN, qui « instrumentalise systématiquement les drames pour en faire du profit politique » : « Vous choisissez vos victimes, vous choisissez vos auteurs quand il y a des drames. » « Vous êtes les acteurs de la montée de la fièvre en France, vous contribuez à cliver notre pays », a-t-elle ajouté, faisant ainsi un parallèle avec la série La Fièvre, qui dépeint une société fragmentée. « La France d’Emmanuel Macron connaît une insécurité record, il n’y a plus un seul endroit dans notre pays où les Français sont à l’abri de la violence, de l’insécurité », a répliqué M. Bardella, prônant « la fermeté, encore la fermeté, toujours la fermeté ».

M. Bardella juge « dangereux » les propos de M. Macron sur l’Ukraine

Au cours de l’émission, les deux candidats ont débattu de la guerre en Ukraine, un des sujets majeurs de cette campagne européenne. Alors que M. Macron a réitéré sa position au sujet d’un éventuel déploiement de troupes au sol en Ukraine, dans un entretien publié jeudi par The Economist, estimant que « nous ne devons rien exclure », M. Bardella a jugé ces propos « dangereux ». « [Ils] nous font prendre un risque majeur, celui de l’escalade. Aujourd’hui, l’Ukraine a besoin de matériel pour assurer sa défense, notamment de matériels antimissiles et antichars. Le président Zelensky ne réclame pas de troupes », a assuré M. Bardella. Avant de rappeler la position du RN : « Apporter aux Ukrainiens concrètement ce dont ils ont besoin pour tenir le front et permettre à la France d’empêcher toute escalade en consolidant notamment notre architecture de sécurité à l’est de l’Europe. »

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Mme Hayer a « assumé l’ambiguïté stratégique du président de la République, qui est utile ». « [Vladimir] Poutine ne fixe aucune ligne rouge et même il les dépasse. Il les franchit les unes après les autres. Il ne comprend que le rapport de force », a-t-elle affirmé, avant d’interroger M. Bardella sur ses votes au Parlement européen durant la dernière mandature.

« Pas une seule fois vous n’avez soutenu l’Ukraine, pas une seule fois vous n’avez condamné les conditions de détention de l’opposant russe Alexeï Navalny [mort en prison en février] », a-t-elle attaqué, ajoutant qu’il avait « fini par le faire au lendemain de sa mort, quand sa veuve est venue au Parlement européen ». « Comment avez-vous pu la regarder dans les yeux ? », a-t-elle interrogé. En réponse, M. Bardella a accusé Mme Hayer et son camp « de faire joujou, de faire mumuse au Parlement en votant des résolutions qui ne sont que symboliques ». Le candidat d’extrême droite a ensuite réaffirmé son opposition « à tout élargissement européen », et notamment à l’entrée de l’Ukraine, qui signerait, selon lui, « la fin de l’agriculture française ».

Les deux candidats sont ensuite revenus sur les propos de M. Macron qui s’est dit prêt à « ouvrir le débat » d’une défense européenne qui comprendrait aussi l’arme nucléaire. « Je suis pour ouvrir ce débat qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine », a déclaré le chef de l’Etat dans un entretien dimanche à des quotidiens régionaux.

Pour Mme Hayer, cette proposition vise à « faire bénéficier nos partenaires européens de ce parapluie nucléaire dont, parfois, nous bénéficions ». « Mais nous n’allons pas décider à Vingt-Sept d’activer le bouton [nucléaire]. Elle restera la décision du président de la République », a-t-elle assuré. A l’inverse, pour M. Bardella, par cette proposition, « Emmanuel Macron ne défend pas les intérêts français », estimant que la France « n’aurait alors plus son droit de veto » au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.

« Sans l’Europe, notre agriculture française ne serait pas si forte », selon Mme Hayer

Ces deux visions de l’Europe se sont également opposées sur l’agriculture, plusieurs semaines après la mobilisation des paysans sur une grande partie du continent. M. Bardella a notamment dénoncé les accords commerciaux, dont celui avec le Canada, le CETA, qui fragilise, selon lui, les agriculteurs en les « mettant en concurrence avec la terre entière ». « Vous organisez donc une concurrence déloyale contre laquelle nos agriculteurs ne peuvent lutter. Vous multipliez les normes environnementales avec toujours plus de contraintes et parfois avec des interdictions de produits phytosanitaires sans aucune alternative », a-t-il poursuivi.

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La candidate du camp présidentiel – Renaissance, Mouvement démocrate, Horizons et Union des démocrates et indépendants – a défendu la politique agricole commune, qui a « permis de sécuriser 10 milliards d’euros d’aide qui viennent chaque année pour les agriculteurs français », appelant toutefois à « accélérer la lutte contre la concurrence déloyale ». « Ma conviction personnelle, c’est que, sans l’Europe, notre agriculture française ne serait pas si forte », a-t-elle fait savoir.

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Enfin, les deux eurodéputés ont été interrogés sur l’immigration. Ils ont notamment échangé sur le pacte migratoire adopté par le Parlement européen en avril. Le texte prévoit le durcissement du contrôle des arrivées de migrants au sein de l’Union européenne (UE) et la mise en place d’un système de solidarité entre les Etats membres dans la répartition des réfugiés. « Avec ce pacte, nous avons enfin une solution concrète sur la table pour réguler l’immigration irrégulière », a salué Mme Hayer, selon laquelle cela va permettre « pour la première fois d’enregistrer des personnes qui arrivent aux frontières de l’UE. On va prendre leur identité, empreintes, passeport, photo… ».

A l’inverse, M. Bardella, qui a voté contre ce pacte au Parlement européen, estime qu’il impose « une équation très simple : c’est la répartition obligatoire des migrants dans les Etats membres ou la punition financière ». L’eurodéputé d’extrême droite a ensuite défendu « le principe de la double frontière ». « Je pense qu’il faut permettre la liberté de circulation dans l’espace Schengen aux seuls ressortissants de l’Union européenne. Le fait d’arriver en Italie, d’obtenir un titre de séjour quelconque ne doit pas vous donner un droit à circuler dans tous les pays européens », a-t-il proposé, prenant l’exemple des aéroports, « où, si vous êtes un ressortissant extra-européen, vous devez vous soumettre à un contrôle ».

Par ailleurs, Mme Hayer a tenté d’attaquer M. Bardella sur les alliés du RN au Parlement européen et sur l’histoire du parti d’extrême droite. La candidate macroniste a demandé à l’eurodéputé de déclarer que « Jean-Marie Le Pen a été le déshonneur » de sa formation politique « pendant cinquante ans ». M. Bardella a alors admis que le fondateur du RN avait tenu dans sa vie des propos « éminemment antisémites ». « Mais si, encore une fois, dix ans après, vous en êtes à appeler Jean-Marie Le Pen au secours, c’est que sans doute vous n’avez pas grand-chose à dire sur ce qui intéresse nos concitoyens », a-t-il ensuite répliqué.

Les deux candidats se retrouveront dès le dimanche 5 mai dans un débat télévisé qui réunira cette fois les principales têtes de liste.

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