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Les publicités mensongères de Donald Trump mettent Facebook face à ses contradictions

Le réseau social se refuse à être « l’arbitre de la vérité » des discours des candidats et candidates, ce dont le président américain a su tirer profit.

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Publié le 14 octobre 2019 à 15h55, modifié le 31 octobre 2019 à 15h16

Temps de Lecture 4 min.

Extrait de la publicité mensongère diffusée par l’équipe Trump.

« Flash info : Mark Zuckerberg et Facebook viennent d’annoncer leur soutien à la réélection de Donald Trump. » Cette publicité, diffusée sur Facebook en fin de semaine dernière, est bien sûr fausse – ni Facebook ni son fondateur n’ont jamais pris position pour un candidat à l’élection présidentielle américaine de 2020. La publicité le reconnaît d’ailleurs deux lignes plus bas. Elle est sponsorisée par la campagne d’Elizabeth Warren, la sénatrice américaine du Massachusetts qui fait la course en tête face à Joe Biden dans la primaire du Parti démocrate.

En réalité, cette publicité est l’élément-clé d’une démonstration par l’absurde. Mme Warren a choisi cet outil pour protester contre une décision de Facebook, qui a accepté de diffuser une publicité mensongère de la campagne de Donald Trump accusant Joe Biden « d’avoir promis 1 milliard de dollars à l’Ukraine s’ils licenciaient le procureur qui enquêtait sur l’entreprise de son fils ». Joe Biden et son entourage avaient vivement protesté contre la diffusion de cette vidéo mensongère, alors que Donald Trump est visé par une procédure de destitution pour avoir demandé à son homologue ukrainien d’enquêter sur son possible rival démocrate. Joe Biden avait demandé à Facebook de la retirer, ce que le réseau social a refusé de faire.

L’entreprise de Mark Zuckeberg a, ces derniers jours, expliqué publiquement et à plusieurs reprises sa position : l’entreprise considère qu’elle ne peut pas, et ne doit pas, décider quels messages politiques ont le droit d’être diffusés aux électeurs. « De nombreuses chaînes de télévision ont diffusé cette publicité dans tout le pays, comme la loi les y oblige, écrit notamment le réseau social dans une réponse publique à Mme Warren. La FCC [le régulateur américain des télécommunications] ne souhaite pas que les diffuseurs censurent le discours des candidats, et nous sommes d’accord que c’est aux électeurs, et pas aux entreprises privées, de décider. »

Règles non contraignantes

En réalité, les lois encadrant la diffusion des publicités politiques aux Etats-Unis sont un peu plus complexes que cela. La FCC, qui dispose de pouvoirs étendus et dont les décisions sont strictement appliquées par les chaînes de télévision, interdit bien aux chaînes nationales et locales de refuser de diffuser des publicités politiques. Sa jurisprudence est claire : même lorsque la publicité ment, les chaînes doivent la diffuser.

Mais ces règles ne s’appliquent pas aux chaînes du câble, qui, aux Etats-Unis, représentent une part importante du paysage audiovisuel. CNN, NBC et même Fox News (dans un second temps) ont ainsi pu légalement refuser de diffuser des publicités de la campagne Trump, dont le spot mensonger accusant Joe Biden. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux réseaux sociaux : légalement, Facebook, YouTube ou Twitter sont libres d’accepter ou de refuser les publicités politiques qu’ils diffusent, mais Facebook considère que les règles de la FCC constituent une base saine pour les gérer.

Ce choix entre en revanche en conflit avec d’autres règles internes du réseau social, dont les conditions d’utilisation interdisent par exemple la publicité contenant certains types de désinformation, sur la vaccination notamment, ou encore les messages appelant à la haine. Dans une lettre à l’équipe de campagne de Joe Biden, Facebook explique ainsi qu’en cas d’opération de désinformation, ce n’est pas la plate-forme qui détermine la véracité d’un message mais ses rédactions partenaires (dont Le Monde). Un mensonge viral diffusé par un homme ou une femme politique peut voir son « reach » – son « potentiel de diffusion » – limité par Facebook, mais une publicité contenant le même mensonge sera acceptée par la plate-forme. Facebook a ainsi mis en place des partenariats de lutte contre la désinformation, mais les publicités n’y sont pas soumises. En revanche, le réseau social a confirmé au Guardian qu’une publicité désinformant sur la vaccination serait refusée même si elle émanait d’un candidat ou d’une candidate.

Règles contradictoires

Cet enchevêtrement de règles et de positions de principes, souvent contradictoires, risque de poser de nombreux problèmes lors de la campagne pour la présidentielle américaine. Elizabeth Warren, qui a fait du démantèlement des grandes sociétés du Web un point central de son programme, accuse l’entreprise de faire passer ses bénéfices avant ses principes. L’équipe Trump affirme de son côté, sans preuves mais depuis des années, que Facebook ferait preuve d’un « biais anticonservateur ».

La situation est devenue si complexe que, fait relativement nouveau aux Etats-Unis, certaines voix se font entendre pour demander l’interdiction des publicités politiques sur les réseaux sociaux – ce qui est le cas en France en période de campagne électorale. « Appliquer la loi ne suffit pas tant que la loi ne s’est pas adaptée [aux nouveaux usages publicitaires], écrit ainsi le site spécialisé TechCrunch. Ce sujet sera un problème permanent durant toute la campagne de 2020, et laisser les vannes ouvertes serait irresponsable. »

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Il semble cependant très peu probable que les grandes plates-formes prennent une telle initiative. Facebook a récemment renforcé la liste des conditions à remplir pour devenir un annonceur politique sur sa plate-forme. Le réseau social affirme, comme Google, que les problèmes liés aux publicités politiques peuvent être réglés avec davantage de transparence sur leur origine et leur financement. Mais la récente campagne de Donald Trump contre Joe Biden, financée très officiellement par l’équipe du président, a démontré, s’il en était besoin, que la transparence n’empêche pas le mensonge.

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