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« Qui a vu le zèbre ? », de Thibault De Meyer : toutes les sensations du monde

Dans un joyeux essai de philosophie de terrain, Thibault De Meyer célèbre la multiplicité des points de vue dont sont porteurs les animaux.

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Publié le 26 avril 2024 à 08h00, modifié le 26 avril 2024 à 08h44

Temps de Lecture 3 min.

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Comment quel animal voit un zèbre dans la savane, selon les recherches de Tim Caro, en 2016.

« Qui a vu le zèbre ? L’invention de la perspective animale », de Thibault De Meyer, préface de Vinciane Despret, Les Liens qui libèrent, 288 p., 22 €.

Longtemps, les spécialistes des zèbres ont cru l’affaire réglée. Pourquoi sont-ils rayés, sinon pour se protéger de leurs prédateurs ? Comme le nota Francis Galton (1822-1911), de nuit, la proportion de noir et de blanc de leur robe « correspond exactement au teint pâle des sols arides sous la lumière de la lune ». A tel point que « vous pourriez entendre [un zèbre] respirer près de vous », sans le voir.

La plupart des scientifiques, pendant des décennies, se contentèrent de cette observation du savant britannique. Les preuves, au demeurant, semblaient s’accumuler. En 2008, une équipe de chercheurs démontrait encore l’efficacité des rayures dans les stratégies de camouflage. Et puis Tim Caro est venu, et ces paisibles certitudes ont volé en éclats.

Le philosophe Thibault De Meyer, qui place cette histoire au cœur de son premier livre, Qui a vu le zèbre ?, rappelle bien sûr que rien, dans la recherche, n’est jamais si tranché. Il n’empêche qu’en matière de zèbres l’article publié en 2016 par Tim Caro et son équipe fait figure de coup de tonnerre. Et plus encore, peut-être, la planche photographique qui l’accompagnait : le même cliché d’un zèbre reproduit quatre fois, avec des filtres restituant la vision qu’en auraient un humain, un autre zèbre, un lion et une hyène.

Car cette expérience répondait à un doute qui travaillait malgré tout les tenants du camouflage nocturne. ­Galton écoutant respirer les zèbres avait un défaut : c’était un homme ; les hommes, s’ils les chassent parfois, ne font pas des zèbres la base de leur nourriture. Pourquoi se protéger d’un savant, si l’on reste à la merci d’un lion ?

C’est ce que Tim Caro et son équipe se sont ingéniés à vérifier, croisant les données anatomiques et comportementales pour évaluer l’acuité visuelle des lions et des hyènes. En réalité, ont-ils établi, les rayures, que ceux-ci ne distinguent que de près, n’ont aucune importance pour eux. Mais ils entendent et sentent le zèbre – animal odoriférant –, et cela leur suffit. Ce sont les mouches, au bout du compte, qui seraient perturbées par ses rayures. Moyennant quoi Galton se trompait, faute d’avoir cherché à percevoir les zèbres à travers les yeux, les oreilles, les narines, bref, la représentation du monde propre aux lions et aux hyènes.

Regarder à travers les yeux d’un lion

Dès lors, ce débat de spécialistes devient beaucoup plus fondamental que vous ne pouviez le supposer avant de découvrir Qui a vu le zèbre ?. Il ne s’agit pas seulement d’un équidé à rayures. Il s’agit du monde, de tous ceux qui l’habitent, et de ce que cela implique, qu’il y ait tant de formes de vie et de perception. Une multiplicité que Thibault De Meyer, à la suite de Bruno Latour (1947-2022), Isabelle Stengers ou Vinciane Despret – qui a dirigé la thèse dont est issu le livre –, traque en pratiquant une « philosophie de terrain » auprès de scientifiques dont les recherches, précisément, ouvrent le champ de la réalité.

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