« Eustache & Hilda. Tome I : La Crevette et l’Anémone ; Tome II : Le Sixième ciel ; Tome III : Eustache & Hilda » (Eustace and Hilda. The Shrimp and the Anemone ; The Sixth Heaven ; Eustace and Hilda), de Leslie Poles Hartley, respectivement traduit de l’anglais par Corine Derblum, Lisa Rosenbaum et Anouk Neuhoff, Quai Voltaire, 300 p., 274 p. et 394 p., chaque tome 23 €, numérique 17 € (tome III en librairie le 25 avril).
Avec sa trilogie Eustache & Hilda, parue entre 1944 et 1947 et dont les lecteurs français n’avaient pu, jusqu’à présent, lire que La Crevette et l’Anémone et Le Sixième Ciel (rééd. Quai Voltaire, 2020 et 2021), le Britannique Leslie Poles Hartley (1895-1972), auteur de nouvelles et de dix-sept romans, dont Le Messager (1955 ; rééd. 10/18, 2020), adapté par Joseph Losey en 1971, fait un retentissant pied de nez littéraire. Théorèmes existentiels inoubliables, ces trois romans emmènent un frère et une sœur de 9 et 13 ans jusqu’à l’âge adulte, redéfinissant d’un tome à l’autre les contours de leur fraternité. En librairie le 25 avril, Eustache & Hilda, le troisième volume, qui vient assouvir, et comment, notre fébrile attente, tire la « quintessence de [leur] expérience », faisant dévier les lignes parallèles de leurs destins pour en révolutionner la combinaison.
Car l’enfance dure longtemps, et la personnalité de l’un se projette en ombre portée sur celle de l’autre. Il s’agira, pour eux, de sortir de ce jeu de décalcomanie, à l’image de ce bassin artificiel qu’ils construisent sur la plage, édifiant un mur de sable dans le but de retenir l’eau. Partant chacun d’une extrémité pour se retrouver au milieu, et recommencer. Endiguant le ressac qui les jette irrémédiablement l’un vers l’autre. L’extrême acuité psychologique, dont l’ironie critique et la pénétration pointent vers Jane Austen et Henry James, sonde les événements qui dilatent la conscience d’Eustache, lui prêtant une configuration neuve.
Orphelins de mère, Eustache et Hilda vivent avec leur père, au tout début du XXe siècle, à Anchorstone, une station balnéaire anglaise. Plus qu’en sœur, Hilda se comporte en mère. Persuadée de savoir mieux que son frère ce qu’il veut, elle se prend pour son « conseiller spirituel », et lui la considère comme son « nord magnétique », croyant ressentir ce qui ne serait que téléguidage. Mais la boussole du petit garçon, écartelée dans les directions contraires d’une « rixe mentale », ne reste jamais immobile : ses superstitions, dialogues intérieurs, rêves éveillés et nocturnes, marchandages avec le sort inondent le récit.
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