« Au fait, je te préviens, maman pense que nous sommes des assassins d’enfants en puissance », m’a lâché, il y a quelque temps, mon frère cadet, alors que nous bavardions des différentes manières de transporter nos filles et fils respectifs, en bas âge, sur nos vélos dans les rues de Paris. Le coup fut rude.
Il faut dire que nous ne sommes pas issus d’une grande lignée de cyclistes urbains. Et mes antécédents vélocipédiques dans la capitale se résumaient jusque-là aux grandes grèves de l’automne 1995, particulièrement suivies dans les transports publics : sous le regard anxieux de ma mère, le biclou était devenu l’unique moyen d’atteindre mon bahut situé à plusieurs kilomètres de ma banlieue sud, parcourus au milieu de milliers d’automobilistes en surchauffe coincés pare-chocs contre pare-chocs. Une expérience proche d’un « Koh-Lanta » de la chaussée.
Ma mère est-elle restée sur cette impression ? Que sa fille quadragénaire pédale dans Paname, soit. Qu’elle mette par la même occasion en danger ses petits-enfants, c’est l’angoisse. Près de trente ans plus tard, bien des choses ont pourtant changé. A commencer par la présence de pistes cyclables, qui permettent d’accéder plus facilement à cette incroyable sensation de liberté de parcourir sa ville à vélo. Y compris en famille. A un moment où il s’agit de décarboner dare-dare nos mobilités quotidiennes. Et si j’ai osé aménager le porte-bagages pour y placer ma progéniture, c’est avant tout parce que j’ai vu d’autres le faire.
Ç’aurait pu être Marion, 35 ans, Lilloise, qui s’est posé la question de la sécurité de ses jeunes passagers, s’est rodée en compagnie de son conjoint, « d’abord le week-end sur des chemins de halage, hors circulation, puis les jours de semaine pour les trajets à la crèche », et témoigne que « les débuts n’ont pas été évidents en matière de confiance, d’équilibre et d’organisation ». A la naissance de son second enfant, le couple s’est équipé d’un vélo-cargo. « Et là, notre vie a changé ! Quelle liberté ! », écrit-elle.
Ou Loïc, 35 ans, converti au vélo électrique après une « discussion passionnée » avec un autre parent d’élève. « Maintenant, grâce à ma remorque attachée à l’arrière, je dépose mes trois enfants le matin : mon aînée en élémentaire, mon fils en maternelle et la petite dernière chez sa nounou. Puis je parcours les 15 kilomètres pour rejoindre mon lieu de travail », explique cet habitant de Lorient (Morbihan) qui a vendu dans la foulée l’une des deux voitures du foyer.
« Cercle vertueux »
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