Dix-neuf ans après le retrait de l’Etat hébreu de la bande de Gaza, l’image des chars israéliens avançant sur la route de Philadelphie, le long de la frontière avec l’Egypte, et du drapeau à l’étoile de David flottant sur le terminal de Rafah a suscité un choc dans le monde arabe. Alors qu’il menace depuis des mois d’aller défaire les derniers bataillons du Hamas dans cette ville où se massent plus de 1,4 million de Gazaouis, l’Etat hébreu a annoncé, mardi 7 mai au matin, avoir pris le « contrôle opérationnel » du côté palestinien du point de passage, principale porte d’entrée de l’aide humanitaire dans l’enclave.
Au Caire et à Washington, ce développement a suscité des réactions très mesurées. Mardi, un porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, a souligné qu’Israël avait informé son grand allié du fait que son opération était « limitée dans sa portée, son échelle et sa durée ».
Cependant dès mercredi, le président Joe Biden a rappelé une ligne rouge américaine avec une fermeté inédite, en mettant en garde Israël contre toute tentation d’étendre son opération dans la ville de Rafah surpeuplée, au risque d’y semer le chaos et de provoquer un déplacement forcé de population vers le Sinaï. « Nous ne fournirons pas d’armes et d’obus d’artillerie » pour une telle entreprise, a-t-il prévenu, après que Washington a confirmé la suspension, la semaine dernière, d’une livraison de bombes à l’Etat hébreu. Pour l’administration de Joe Biden, l’unique cap demeure la conclusion d’un accord permettant la libération d’au moins une partie des otages du Hamas. Le gouvernement israélien reste engagé dans les négociations, qui ont repris au Caire mercredi, tout en menaçant de faire avancer ses troupes ailleurs dans Rafah afin d’exercer une pression sur le Hamas dans ces pourparlers.
Réponse égyptienne jugée timide
Le Caire a, lui, condamné la menace que ce fait accompli israélien fait peser sur des négociations déjà fragiles et a alerté sur le risque d’un « cauchemar humanitaire » en cas d’extension des opérations. Cette réponse est jugée timide par de nombreux Egyptiens qui dénoncent, sur les réseaux sociaux, une atteinte à la souveraineté du pays et une violation flagrante du traité de paix israélo-égyptien de 1979, consécutif aux accords de Camp David.
« Aucune mention n’a été faite des chars israéliens qui ont pénétré dans le corridor de Salah Al-Din [la route de Philadelphie]. Aucune mesure de représailles diplomatiques n’a été annoncée, s’étonne Hossam El-Hamalawy, un journaliste égyptien exilé en Allemagne. L’Etat égyptien et l’armée sont réduits au rôle de spectateurs, voire de complices des massacres en cours à Gaza. »
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