Le jour n’était pas encore levé, le 7 décembre 2022, quand la police allemande procéda à l’un des coups de filet les plus spectaculaires de son histoire. Ce matin-là, vingt-cinq personnes furent arrêtées dans onze des seize Länder du pays, parmi lesquelles d’anciens gradés de la Bundeswehr – l’armée allemande –, une ex-députée du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) et le descendant d’une vieille famille de l’aristocratie thuringeoise.
Tous appartenaient au mouvement des Reichsbürger (« citoyens de l’empire »), une nébuleuse apparue dans les années 1980 et dont les partisans – estimés à environ 23 000, selon l’Office fédéral de protection de la Constitution, les services allemands de renseignement intérieur – ne reconnaissent pas la légitimité des institutions de l’Allemagne fédérale et rêvent de restaurer l’Empire de 1871. Selon le communiqué du parquet publié le même jour, ils se préparaient à « pénétrer violemment dans le Bundestag avec un petit groupe en armes » et à lancer une « attaque armée contre les organes constitutionnels ». Autrement dit, à commettre un coup d’Etat.
Un an et demi plus tard, les conjurés ont rendez-vous au tribunal. Accusés de « participation à une organisation terroriste », ils ne comparaîtront cependant pas tous ensemble, les autorités ayant décidé, en raison de leur nombre, d’organiser non pas un mais trois procès.
Le premier, qui s’ouvre lundi 29 avril à Stuttgart (Bade-Wurtemberg), réunit les membres du « bras militaire » de la cellule. Le deuxième, qui débutera le 21 mai à Francfort-sur-le-Main (Hesse), rassemblera les cerveaux de la conjuration. Le troisième, qui aura lieu à Munich (Bavière) à partir du 18 juin, sera celui des seconds couteaux. Au départ, vingt-sept personnes devaient être jugées : les vingt-cinq arrêtées le 7 décembre 2022, plus deux autres qui furent interpellées ultérieurement. L’une étant décédée depuis, elles ne seront finalement que vingt-six à comparaître.
Des trois procès, le plus attendu est celui de Francfort, en raison de la position sociale des accusés et du rôle qui était le leur dans la conjuration déjouée. Y sera notamment jugé le dirigeant du groupe, un aristocrate thuringeois de 72 ans connu sous le nom d’Heinrich XIII, prince Reuss, qui, une fois le coup d’Etat réussi, était censé être adoubé comme « régent » et prendre la tête d’un gouvernement provisoire. A partir de la fin de 2021 et du début de 2022, c’est dans le relais de chasse de cet ancien entrepreneur ayant fait carrière dans l’immobilier et le vin pétillant que se sont tenues les réunions consacrées à la planification du putsch.
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