C’était le 29 juillet 2023. Ce jour-là, réunis en congrès à Magdebourg, quelque 600 délégués du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) étaient appelés à investir leurs candidats pour les élections européennes du 9 juin 2024. Sans surprise, l’eurodéputé Maximilian Krah décrocha la tête de liste, mais avec seulement 66 %, alors qu’il avait pour adversaire un ancien officier de la Bundeswehr totalement inconnu dans le parti.
A l’époque, les observateurs expliquèrent ce score par la personnalité de M. Krah, jugé trop clivant par beaucoup en interne en raison de sa proximité avec l’extrême droite européenne la plus radicale, comme le parti bulgare Renaissance ou le mouvement hongrois Notre patrie, mais aussi de sa vision ouvertement ethniciste de l’Europe, résumée dans cette phrase prononcée en février 2023 : « L’Europe que nous avons en tête est celle des Germains, des Romains et des Slaves qui n’ont pas été christianisés par Constantinople. »
Neuf mois plus tard, M. Krah, 47 ans, devait être l’orateur vedette du meeting organisé par l’AfD, samedi 27 avril, à Donaueschingen, dans le sud-ouest de l’Allemagne, pour le lancement de la campagne des européennes. Ce ne sera pas le cas. Mardi, on a en effet appris qu’un de ses proches collaborateurs, soupçonné d’espionnage au profit de la Chine, avait été arrêté à Dresde. Mercredi, le parquet fédéral allemand a annoncé l’ouverture de deux enquêtes préliminaires contre l’eurodéputé, suspecté d’avoir reçu illégalement de l’argent de la part de donateurs russes et chinois.
Prié de se faire discret
Le 16 avril, l’hebdomadaire Der Spiegel et la chaîne publique allemande ZDF avaient révélé que M. Krah avait été entendu pendant plusieurs heures par la police fédérale américaine, en décembre 2023, en marge d’un déplacement à New York où il était venu assister à un gala organisé par le club des jeunes républicains de la ville, en présence de Donald Trump. Objet de l’interrogatoire : un échange de messages, intercepté par le FBI, évoquant de mystérieuses « compensations financières » dont M. Krah aurait bénéficié de la part de l’ancien député ukrainien Oleg Volochine, proche du Kremlin.
Droit dans ses bottes, l’eurodéputé allemand a assuré qu’il « n’a[vait] rien à se reprocher » et qu’il « rest[ait] tête de liste » pour le scrutin du 9 juin. Mais la direction du parti, qui l’a convoqué à Berlin mercredi matin, l’a prié de se faire discret : absent du meeting de Donaueschingen, il ne devrait pas non plus apparaître sur les clips vidéo ni sur les affiches de la campagne.
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