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Au procès de Donald Trump, le casse-tête de la sélection de douze jurés impartiaux

Le président du tribunal de New York, où est jugé l’ancien président, a décidé que tout juré potentiel pourrait se récuser s’il s’estime incapable d’être équitable et impartial pendant l’audience.

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Publié le 17 avril 2024 à 10h00, modifié le 17 avril 2024 à 10h33

Temps de Lecture 3 min.

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Des manifestants anti-Trump tiennent des pancartes devant le tribunal de New York, le jour du début du procès de l’ex-président, le 15 avril 2024.

Pas moins de quatre-vingt-seize résidents de Manhattan munis d’une convocation de justice se sont frayé un chemin, lundi 15 avril, dans la foule rassemblée devant le tribunal de New York pour se rendre jusqu’à la salle d’audience hypermédiatisée du quinzième étage. A leur entrée, le regard de Donald Trump, appuyé de son emblématique cravate rouge, s’est tourné dans leur direction. Il cherchait à apercevoir les New-Yorkais qui pourraient décider de son sort dans l’affaire Stormy Daniels.

L’ancien président américain, le premier de l’histoire à se soumettre en tant que prévenu à un procès pénal, est accusé d’avoir payé l’actrice de films pornographiques pour qu’elle ne rende pas publique une relation passée avant l’élection présidentielle de 2016.

Pour protéger leur anonymat, ces potentiels jurés – les premiers à comparaître parmi les quelque cinq cents résidents tirés au sort – n’ont été désignés que par un numéro d’identification. Face au risque de pressions, le juge Juan Merchan a décidé que les noms des douze jurés retenus et de leurs six suppléants ne seraient pas rendus publics.

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Encore faut-il réussir à composer le jury. Cette étape de l’audience, possiblement déterminante dans l’issue du procès, se présente déjà comme un casse-tête, du fait de la notoriété du prévenu et de la polarisation du climat politique américain, à moins de sept mois du scrutin présidentiel. Dénicher des jurés impartiaux et dénués de préjugés sur l’affaire pourrait durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Batterie de questions

La procédure prévoit que les jurés pourront d’abord choisir de se récuser eux-mêmes, s’ils s’estiment incapables d’être équitables et impartiaux pendant le procès. Certaines obligations professionnelles, familiales, ou l’incapacité physique d’assister à l’intégralité du procès peuvent aussi être invoquées. D’ordinaire, ces motifs doivent être justifiés, mais le juge Merchan, face à l’ampleur inédite du procès, a décidé de congédier sans débat celles et ceux qui exprimeraient des doutes.

Ceux qui resteront seront soumis à une batterie de questions – le juge en a retenu quarante-deux au total. Un par un, ils seront interrogés sur leur âge, leur éducation, leur situation professionnelle, leur vie de famille. Si leur affiliation politique et leurs votes aux élections passées ne seront pas abordés, on leur demandera comment ils s’informent, quelle radio ils écoutent, s’ils ont lu les livres de l’ex-président, ont des liens avec des organisations pro ou anti-Trump, avec la mouvance QAnon, les Proud Boys ou encore des collectifs « antifas ». On jaugera aussi leurs opinions préexistantes sur Donald Trump, la façon dont il est traité par la justice et l’affaire.

« Contrairement aux arguments de la défense, le but de la sélection du jury n’est pas de déterminer si un juré potentiel aime ou n’aime pas l’une des parties », a insisté le juge dans une lettre du 8 avril, écartant la difficulté dénoncée par les avocats de Donald Trump de trouver un jury équitable dans le bastion démocrate de Manhattan, qui avait voté à 86,7 % pour Joe Biden en 2020. Il s’agit plutôt, poursuit le juge, de déterminer si le juré pourra « mettre de côté tout sentiment personnel ou préjugé pour rendre une décision fondée sur les preuves et sur le droit ».

Intentions cachées

En pratique pourtant, il s’agit bien pour chaque camp de cibler les profils susceptibles de faire basculer la décision en leur faveur. Les avocats s’attelleront à déceler les biais non exprimés, les intentions cachées ; à sentir quels jurés pourraient être sensibles à leurs arguments ; à établir une relation de confiance avec eux, énumère le Washington Post.

Plus concrètement, selon des informations du New York Times, les avocats de M. Trump chercheraient « un jury composé plutôt de jeunes hommes noirs et d’hommes blancs de la classe ouvrière, en particulier des fonctionnaires tels que des policiers, des pompiers ou des agents d’entretien ». Comme la décision des jurés doit être unanime, il suffirait à la défense d’inclure un juré absolument convaincu de l’innocence de Donald Trump pour lui éviter une condamnation.

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A l’inverse, pour disqualifier les sympathisants de l’ancien président républicain, les procureurs devraient préférer « des électeurs avec un plus haut niveau d’études, issus de quartiers démocrates », être à l’affût de ceux qui s’informent sur MSNBC ou écoutent l’humoriste et présentateur du « Late Show » Stephen Colbert, estime le quotidien américain.

Dix « jokers » pour chaque camp

Pour ne garder que les jurés potentiels qui ont leur préférence, chaque camp aura le droit à dix « récusations péremptoires », qui lui permettent d’écarter un juré pressenti sans fournir aucune explication. En 1986, les Etats-Unis ont toutefois jugé inconstitutionnelle l’utilisation de ces « jokers » pour écarter des personnes d’un groupe donné (en fonction de leur origine ethnique, de leur sexe, etc.). Avocats et procureurs pourront aussi demander à disqualifier d’autres jurés pour un motif valable, en présentant leurs raisons de penser que celui-ci ne sera pas équitable ou impartial.

Dans la salle d’audience, lundi, quand le juge a demandé aux quatre-vingt-seize jurés qui, parmi eux, ne s’estimait pas impartial, de nombreuses mains se sont levées. Environ soixante d’entre eux ont été exemptés d’emblée.

A la barre, les questions du juge ont dessiné les contours de profils variés parmi ceux restants, d’un auditeur de la radio NPR estimant que « personne n’est au-dessus de la loi », à un directeur créatif qui aime la randonnée, cuisiner et jouer avec son chien. « Oui », a admis, selon des médias américains, une femme face au juge qui lui demandait si elle avait des « opinions bien arrêtées ou des croyances fermement ancrées sur l’ancien président Donald Trump » qui l’empêcheraient d’être impartiale. « Ce n’était juste pas possible pour moi », aurait-elle lâché à sa sortie du tribunal. A la fin de la première journée, aucun des quatre-vingt-seize jurés présents n’avait été retenu.

Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés Donald Trump face à la justice à New York, un rendez-vous pour l’histoire
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