C’était une affaire entendue. Les Etats-Unis, qui avaient bénéficié des effets de la seconde guerre mondiale pour prendre le leadership en matière de croissance et d’innovation, voyaient ensuite leur avance grignotée par les pays européens. La tendance était incontestable et laissait entrevoir une convergence économique des pays les plus développés.
Or différentes indications récentes laissent penser que la mécanique s’est enrayée et que, pire encore, un écart de croissance se creuserait à nouveau en faveur des Etats-Unis. Le consultant McKinsey, dans une note de juillet 2022, souligne qu’entre 2010 et 2020, donc sur une période de dix ans, l’Union européenne a enregistré une croissance annuelle moyenne du produit intérieur brut (PIB) par habitant de 0,8 %, soit moitié moins que celle des Etats-Unis (1,7 %).
Les données de la Banque mondiale (BM) semblent confirmer ce décrochage économique des pays de la zone euro. En 2010, le PIB par habitant mesuré en dollars courants était supérieur de 30 % aux Etats-Unis, comparé à la zone euro. En 2022, douze ans plus tard, l’écart a plus que doublé : 87 % de plus aux Etats-Unis que dans la zone euro.
Un diagnostic incontestable
Dans le cas de la France, le constat est similaire, et la situation se serait même aggravée depuis la pandémie de Covid-19 : « la productivité du travail est en décrochage en France depuis 2019 » et, selon certains experts cités par la Banque de France, l’écart entre le niveau de productivité observé au deuxième trimestre 2023 et le niveau qui aurait été atteint si la productivité par tête avait progressé selon la tendance de 2010-2019 serait de 8,5 %.
Et selon le Wall Street Journal, dans son édition du 17 juillet 2023, l’Europe se caractérise par « une population vieillissante qui préfère le temps libre et la sécurité de l’emploi aux revenus ». Le diagnostic semble incontestable, il est pourtant contesté au niveau européen. Pour Zsolt Darvas (Institut Bruegel, Bruxelles), les comparaisons en dollars courants sont trompeuses en raison des fluctuations importantes du taux de change entre l’euro et le dollar : en 2000, 1 euro valait 0,92 dollar ; en 2008, 1,47 dollar ; aujourd’hui, 1,09 dollar.
L’économiste propose donc de corriger le PIB par les données en parité de pouvoir d’achat (PPA), un bon indicateur pour des comparaisons internationales, car les PPA corrigent les fluctuations des taux de change et il propose d’utiliser la productivité du travail mesurée par la quantité de richesse créée par heure et par salarié.
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