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FANNY MICHAËLIS

« L’effondrement des civilisations est un problème qui obsède l’Occident depuis au moins deux siècles »

Par Jean-Baptiste Fressoz
Publié le 23 juillet 2019 à 02h07, modifié le 23 juillet 2019 à 11h54

Temps de Lecture 7 min.

Si le mot « collapsologie » est nouveau, ce qu’il désigne, à savoir l’étude de l’effondrement des civilisations, est un problème qui obsède l’Occident depuis au moins deux siècles. Des écrivains évoquant les ruines du passé ou anticipant celles du futur aux historiens racontant la « chute » de telle ou telle civilisation, des hommes politiques brandissant l’effondrement comme une menace aux militaires cherchant à briser l’économie de l’ennemi : cela fait longtemps que l’on pratique la collapsologie sans le savoir.

La popularité du discours de l’effondrement tient tout d’abord à sa banalité. L’idée d’une chute brutale suivie d’une renaissance pénible rabat la complexité des dynamiques environnementales contemporaines et de leurs conséquences économiques, sociales et géopolitiques sur un récit des récits les plus vénérables qui soit : la genèse.

Cette simplification a toujours été gage de succès. En 1855 déjà, Eugène Huzar, dans La Fin du monde par la science, pronostiquait une apocalypse technologique et environnementale suivie d’un retour à la barbarie. Le livre fit grand bruit, et après sa parution, les nouvelles d’anticipation sur l’effondrement se multiplièrent. La plupart sont tombées dans l’oubli, mais L’Eternel Adam, de Jules Verne, Ravage, de Barjavel, et surtout La Planète des singes, de Pierre Boulle, s’inscrivent dans cette lignée.

Dans le cinéma hollywoodien, l’effondrement n’est jamais représenté par la destruction de la nature mais par l’écroulement des grandes infrastructures des mégapoles des pays riches

Le problème de ce récit vénérable est qu’il est profondément anthropocentrique. Il renverse les polarités du discours écologique : la nature y est surtout considérée comme une force de destruction, l’inquiétude porte sur les grands réseaux techniques, leur instabilité, leur fragilité, et comment « tout » pourrait être emporté dans leur chute. L’effet est parfaitement clair dans le cinéma hollywoodien : l’effondrement n’est jamais représenté par la destruction de la nature (des champs débarrassés d’insectes par exemple) mais par l’écroulement des grandes infrastructures des mégapoles des pays riches. Le risque est de voir le discours de l’effondrement déplacer le souci écologique de la première vers la seconde nature, celle qui résistera sans doute le mieux au chaos climatique à venir.

Le succès de l’effondrement tient, deuxièmement, à une certaine vision de l’histoire : celle qui, de Edward Gibbon à Jared Diamond en passant par Arnold Toynbee, a saturé la culture européenne de références réelles ou fantasmées à l’effondrement des civilisations passées.

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