Cela devait être l’année de la relance de Marianne. Sera-t-elle aussi celle d’un changement d’actionnaire ? Le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky envisage de céder le magazine dirigé par Natacha Polony. La publication d’un article du média d’investigation La Lettre évoquant ce scénario, lundi 15 avril, a fait l’effet d’un électrochoc en interne. « On n’en est pas du tout là », minimisait-on, lundi, du côté de CMI France, la branche française de Czech Media Invest, dont M. Kretinsky est cofondateur. Sans pour autant démentir qu’une possible vente de l’hebdomadaire, racheté par le milliardaire en 2018, est sur la table.
Alors que le newsmagazine totalisait 12 millions d’euros de chiffre d’affaires et 3 millions d’euros de déficit en 2023, toujours selon CMI, Marianne a, en mars, quasiment divisé sa pagination par deux, passant de 92 pages à 52 pages. Il s’agissait de « gagner en densité », défendait encore fièrement, à la fin du mois dernier, Natacha Polony, la directrice de la rédaction. Pour réaliser des économies de papier également ? « A la marge », convenait-elle. « Mais l’actionnaire va surtout investir en baissant le prix du magazine en kiosque de 4,40 euros à 3,50 euros ».
Le titre – qui revendique environ 60 000 abonnés au magazine, 12 000 abonnés numériques et 20 000 ventes en kiosque – a vu sa diffusion baisser de 1,3 % par rapport à 2022, selon les chiffres de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias, et espérait ainsi regagner des lecteurs. La modernisation de sa maquette semble plutôt payante, puisqu’elle a apporté 8 000 ventes en kiosque supplémentaires en moyenne depuis la nouvelle formule, tandis que les abonnements papier et numériques sont repartis à la hausse, d’après CMI France. Mais cela pourrait ne pas suffire à convaincre Daniel Kretinsky de rester son actionnaire.
En cause, le souverainisme de Natacha Polony, qui serait aujourd’hui trop éloigné des valeurs proeuropéennes et libérales du milliardaire tchèque. Ces derniers mois, le magazine a régulièrement éraflé Emmanuel Macron et son premier ministre Gabriel Attal : qualifiés tous deux de « tocards de l’économie » à la une du 4 avril, ce dernier était présenté comme « antisocial » le 8 février.
« Nous avons réorienté le journal [Marianne] vers les fondamentaux alors qu’il avait glissé vers la social-démocratie », expliquait en 2019 la patronne souverainiste, qui se défendait d’être « antieuropéenne et nationaliste ». L’entourage du milliardaire, de son côté, assurait « ne pas parler de la ligne avec Natacha Polony », constatant simplement « qu’elle a fait de Marianne un journal lisible ».
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